Concerts classiques - Exercices de lecture à Lanaudière

Exercice de lecture pendant un duo de Puccini. Richard Margison, absorbé par son texte, Sondra Radvanovsky, esquissant la simulation d’une émotion. Photo: Christian Rouleau
Photo: Exercice de lecture pendant un duo de Puccini. Richard Margison, absorbé par son texte, Sondra Radvanovsky, esquissant la simulation d’une émotion. Photo: Christian Rouleau

La soirée de vendredi dernier à Lanaudière (reprise au Domaine Forget samedi) se voulait une «célébration Puccini», c'est-à-dire un hommage rendu à l'un des plus grands créateurs du monde de l'opéra. Richard Margison avait choisi deux airs (extraits de Tosca et Turandot), Sondra Radvanovsky en présentait trois, les deux chanteurs se retrouvant pour trois duos (quatre, en ajoutant celui de La Bohème en bis).

Yoav Talmi et son orchestre ont été attentifs et respectueux des chanteurs. Puccini n'est assurément pas leur «terrain de jeu» et le Caprice symphonique, une chose longuette, coupa l'ambiance, mais la soirée fut menée avec un impeccable respect musical. Impeccables aussi, ces deux voix: ténor efficace, claironnant avec puissance, et soprano au spectre très large, avec un registre grave d'une belle noblesse.

Mais l'opéra, ce n'est pas qu'une question de voix. L'opéra, c'est l'expression vocale de sentiments humains à travers l'incarnation de personnages. De l'opéra, au sens propre, on en a entendu pendant un peu plus de cinq minutes, quand Sondra Radvanovsky a chanté un air de Manon Lescaut. Il y a quelques mois, Sondra Radvanovsky a chanté Manon sur scène à Leipzig. Cela explique sans doute cette proximité que la chanteuse n'avait pas avec les autres personnages. Car si Suor Angelica pleurait ainsi la perte de son enfant dans «Senza mamma», je ne sais en quelle matière serait son coeur (polystyrène ou cailloux, au choix).

La soirée n'était pas un hommage à l'expertise vocale et, pour ce qui est de la «célébration Puccini» à travers trois de ses grands duos, je ne sais, entre les mots «insouciant» et «insultant», lequel convient le mieux. Je n'ai rien contre l'utilisation d'une partition, mais il y a une différence très notable entre la présence d'une partition devant soi comme un mémorandum et le fait de s'accrocher littéralement à celle-ci. Ces séances de duos ont été des exercices de lecture. Or, quand on lit, c'est qu'on ne maîtrise pas. Et quand on ne maîtrise pas, on ne peut pas interpréter.

Trois exercices ont émaillé la soirée. Dans Madame Butterfly, ni le ténor ni la soprano ne possédaient leur sujet, dans Manon, elle savait et lui s'accrochait aux branches, alors que dans Tosca, lui était en roue libre et elle lorgnait à qui mieux mieux vers sa bouée de sauvetage (tant qu'à faire, nous aussi, on aurait aimé les avoir, les textes!). Comment pouvaient-ils dialoguer?

Le duo de Madame Butterfly, celui de la nuit de noces, est l'un des plus torrides de l'histoire de l'opéra. Il s'est apparenté vendredi, en matière d'érotisme et de sensualité, à une sorte de lecture en alternance du mode d'emploi des condoms! Et les petites mimiques genre bisou-bisou à la fin de chaque duo n'en étaient que plus grotesques.

J'imagine que ni l'un ni l'autre de ces chanteurs n'auraient l'idée de se présenter dans cet état d'impréparation dans une maison d'opéra, de peur de se faire renvoyer chez soi. Y aurait-il alors des «concerts de seconde classe» ou des «auditoires de seconde classe»? Ce n'est pas très flatteur d'être considéré ainsi...

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Collaborateur du Devoir

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FESTIVAL DE LANAUDIÈRE

«Célébration Puccini». Airs et duos de Tosca, Madame Butterfly, Turandot et Manon Lescaut. Le Villi, Edgar et Manon Lescaut: extraits symphoniques. Capriccio symphonique. Crisantemi (transcription Yoav Yalmi). Sondra Radvanovsky (soprano), Richard Margison (ténor), Orchestre symphonique de Québec, Yoav Talmi. Amphithéâtre de Lanaudière, vendredi 11 juillet.

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