Jouer à Tom Waits

L’esthétique du spectacle consacré à Tom Waits rappelle un théâtre de foire où se croisent spécimens de cirque et forces de la nature.
Photo: L’esthétique du spectacle consacré à Tom Waits rappelle un théâtre de foire où se croisent spécimens de cirque et forces de la nature.

Marteaux, ciseaux, gants de boxe, bottes et valises: tous les moyens sont bons pour jouer la musique de Tom Waits. Plus qu'un simple hommage, l'Orchestre d'Hommes-Orchestre (sic) interprète à sa manière unique le répertoire peuplé de truands, de spécimens de foire, de prostituées vertueuses et de nains borgnes composé par l'icône américaine.

Québec — Déjanté: c'est probablement le meilleur qualificatif pour décrire l'univers de l'Orchestre d'Hommes-Orchestre. L'esthétique de son spectacle consacré à Tom Waits rappelle un théâtre de foire où se croisent spécimens de cirque et forces de la nature.

«Les oeuvres de Tom Waits sont le point de départ, explique Bruno Bouchard, mais le jeu précis est de voir comment on peut recréer ses chansons en empruntant un chemin musical différent du sien.»

«Tout est tronqué à l'échelle des thèmes, poursuit son acolyte, Simon Drouin. Dans ce projet, Waits est le moteur de notre recherche, le prétexte pour inventer des instruments, pour explorer des textures de voix.» Après cinq années de bidouillage, de bricolage, de mécanique, d'essais et d'erreurs, l'univers sonore de l'Orchestre d'Hommes-Orchestre commence à être franchement bien garni.

Il faut dire que le groupe porte bien son nom: chacun des quatre membres étant multi-instrumentiste. «On s'amuse à brouiller les pistes», révèle Bouchard, seul musicien de l'ensemble jouant l'homme-orchestre au sens commun du terme, soit avec une guitare, une grosse caisse et tout le bataclan qu'on connaît. «On cherche à explorer les limites du genre en transformant des objets du quotidien en instruments de musique.» Poires de cuisine, marteaux, cuves, porte-voix, gants de boxe et valises sont ainsi finement ajoutés aux instruments plus traditionnels que sont la guitare, le banjo, l'harmonica et les tambours

Pour bien nourrir l'esprit du groupe, le quatuor peut compter sur des membres provenant d'horizons divers. Simon Elmaleh est électroacousticien, Jasmin Cloutier guitariste, tandis que Simon Drouin et Bruno Bouchard viennent du monde du théâtre. «La rencontre entre nos univers nous mène vers une approche globale de la scène, commente ce dernier. La mise en scène et le caractère ludique des spectacles sont également très importants. Nous ne faisons pas du théâtre au sens narratif du terme. Nos prestations se rapprochent plus de la performance.»

«Il faut que chaque show soit un événement, renchérit Drouin. Pour nous garder allumés après cinq ans, on provoque des accidents sur scène, on se tend des pièges, on tente de surprendre les autres membres du groupe.»

«Comme en remplissant de pain la bouche d'un gars en train de chanter», le coupe l'autre, visiblement encore sous le choc. «Par exemple!», rigole le premier.

Loin du concert-hommage

On le sait, en plus de son amour inconditionnel du rock pesant pur style veste de cuir avec des franges, Québec est tristement connu pour ses spectacles-hommages. De Jethro Tull à Megadeth en passant par Bon Jovi, Def Leppard et Scorpion, tous les groupes du genre ont leur copie carbone les imitant en spectacle.

L'Orchestre d'Hommes-Orchestre est guidé par une démarche un peu plus subtile. «Le truc des hommages me laisse perplexe, lance Simon Drouin. Au théâtre, on ne dira jamais que le Trident fait un "hommage à Molière" lorsqu'il présente Tartuffe. On fait plutôt une lecture, une interprétation de l'oeuvre. C'est la même chose pour nous.»

«Personne dans le groupe ne personnifie Tom Waits, poursuit Bouchard. À quatre, nous tentons de recréer l'énergie, la vitalité et les contradictions de son univers. En fait, la principale chose que nous avons retenue de lui est qu'il faut toujours crier le plus fort possible!»

Le Camion-Orchestre

En marge du petit monde de Waits, l'Orchestre d'Hommes-Orchestre planche sur ses propres compositions. «Comme on l'a dit, Waits est un prétexte à l'exploration. Mais certaines de nos découvertes cadrent moins avec le projet. On fait un fourre-tout avec ce qui dépasse pour explorer d'autres avenues. Étrangement, ça finit souvent par s'harmoniser plutôt bien», raconte Simon Drouin.

En vue du 400e anniversaire de Québec, le groupe s'attaque au camionnage. Le projet est ambitieux mais risque de donner des fruits intéressants. «On transforme un camion de laitier de 1963 en instrument de musique», explique Bruno Bouchard. Puis, en se retournant vers son collègue: «Ah! oui... Je ne te l'ai pas encore dit, mais on va aussi y mettre un orgue à klaxons, un xylophone à tuyaux d'échappement et une plateforme sur le toit pour danser la claquette.»

Pour les curieux, il suffit de taper le nom du groupe (sans s à la fin) sur YouTube pour voir deux courts montages d'extraits de spectacles.

- L'Orchestre d'Hommes-Orchestre joue à Tom Waits, Le Cercle, 228, rue Saint-Joseph Est, Québec, 418 948-8648. Ce soir et demain à 22h. 10 $ à la porte.

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