Vitrine du disque
Rock - LES JALOUSES DU BLUES, Interprètes diverses, EDC Musique - Dep - Pas une mauvaise idée en soi: on a les chanteuses qu'il faut pour pousser du Offenbach. On n'a pas Janis, Piaf ou Amy Winehouse, mais on aurait pu avoir Luce Dufault, Ginette Reno, Lulu Hughes, Nanette Workman, Ariane Moffatt, Isabelle Boulay. C'eût été ce que la compilation annonce: «Les grands succès d'Offenbach revisités par les plus belles voix féminines du Québec.» En lieu et place, on obtient Johanne Blouin avec sa fille Elizabeth Blouin-Brathwaite qui calent Deux autres bières, on nous refile Marie-Pier Perreault, Nancy Martinez, Patsy Gallant, Angel Forrest, Martine St-Clair, misère noire de misère noire, qui nous servent telles des serveuses fatiguées Le blues me guette, Rock de v'lours et les autres. Pire, on nous déterre la version pathétique que dame Alys Robi donna un jour de Mes blues passent pu dans porte. Freak show. Surnagent dans le marécage Melissa Auf Der Maur, Kim Richardson et Marie-Chantal Toupin, seule à s'arracher vraiment le coeur, dans Je chante comme un coyote. Et pendant ce temps-là, la première gang d'Offenbach, Harel, Willie et compagnie, est dans la dèche... Injustice! - Sylvain Cormier
Chanson - TABLEAU DE CHASSE, Claire Diterzi, Naïve - Fusion IIIIl y a des albums étonnants, détonants, stupéfiants, et il y a des albums qui narguent l'épithète: comment diable qualifier ce deuxième effort en solo de l'ex-Forguette Mi Note? Chaque chanson est une planète jusqu'alors inexplorée. Même la chanteuse s'y perd: dans une entrevue, elle situe À quatre pattes, drôle de chanson à gogo décalée, entre «les B-52's et le Mystère des voix bulgares». Voyez? Moi non plus. Je sais seulement que c'est extraordinairement rafraîchissant, radicalement neuf, que chaque pièce a été inspirée par une oeuvre d'art — l'Yvette Guilbert de Toulouse-Lautrec, Le Verrou de Fragonard, etc. — et que chaque pièce est une nouvelle oeuvre d'art. Je sais aussi que la Diterzi, débrouillarde pas à moitié, a presque tout fait avec son ordi, ses mille millions de voix, ses guitares. Tout sauf le cor anglais. Je sais enfin que c'est hallucinant d'invention, que ça renvoie les vocalises d'une Camille au rang de babil. Certes, ça teste la tolérance, ça rebute à gauche autant que ça séduit à droite, mais d'écoute en écoute, un mot s'impose: génie. Cette femme a du génie. - Sylvain Cormier
Classique - MOZART, Harmoniemusik. Arrangements d'ouvertures et airs d'opéras pour octuor à vent. Solistes de la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême. Coviello SACD COV 50712 (Gillmore).
L'étiquette allemande Coviello Classics n'est pas la plus connue sur le marché. Elle est distribuée au Canada par Gillmore Music et sans doute que le nombre d'exemplaires importé n'a pas crevé les plafonds. La quête de ce CD risque d'être un peu périlleuse, mais insistez et soyez patients... car quel absolu bonheur, quel délice suprême vous attend au bout de votre quête! Les ouvertures et airs des opéras de Mozart ont tous été transcrits à leur époque pour des ensembles de vents qui propageaient les belles mélodies dans les châteaux et les palais d'Europe centrale. Les enregistrements sont nombreux, mais les vraies réussites, qui combinent qualité du jeu, beauté de l'enregistrement et préservation du sens des oeuvres, restent extrêmement rares. Les solistes de la Kammerphilharmonie de Brême (le fameux orchestre des Beethoven de Paavo Järvi) sont exceptionnels et truculents. Les plus belles pages de Cosi fan tutte, Don Giovanni, Les Noces de Figaro, La Clémence de Titus et La Flûte enchantée en ressortent littéralement illuminées. - Christophe Huss
Monde - SALSA FROM CUBA, Yousy Barbara, Indépendant
Elle est «notre» chanteuse de salsa et une des chouchous de Belle et Bum. Parce que Yousy Barbara Ruiz a toute une voix: en boulet de canon, à la manière de la regrettée Celia Cruz, à qui on la compare souvent depuis qu'elle a 16 ans mais qu'elle n'a connue qu'après son départ de Cuba, après avoir chanté dans les grands cabarets de La Havane et livré en bas âge plusieurs concerts avec de grands orchestres. Du feu, cette femme, sur disque comme sur scène! Et de cet album paru une première fois dans l'île de Compay Segundo en 2001, elle a remixé trois ou quatre pièces et en a ajouté quelques autres. Il fallait le lancer à Montréal. Même en indépendant, même distribué gratuitement. Avant de passer à la prochaine étape, qui sera aussi faite de merengue, de cumbia et de reggaeton. Non pas que Salsa From Cuba révolutionne un genre maintes fois entendu, non: c'est simplement pour faire reconnaître davantage la grandeur du talent et donner le goût de découvrir cette énergie ravageuse. Tout d'un bloc, Barbara se promène entre salsa classique et romantique, entre guaguanco et son, entre boléro mélodramatique jazzé et timba contemporaine plus proche du rap. Toujours avec autorité. - Yves Bernard
Électro - Artificial Animals Riding On Neverland, AaRON, Indica
Le mariage allait de soi. Avec U-Turn (Lili), AaRON a réussi en 2006 à donner des ailes à ses lignes électro-pop très cinématographiques dans Je vais bien, ne t'en fais pas, du jeune réalisateur Philippe Lioret. Mélancolique à souhait, cette création accompagnait à merveille la descente aux enfers d'une jeune fille qui souffre du départ de son jumeau, l'histoire au coeur de ce long métrage. Elle dessinait aussi, finalement, les contours d'un univers décalé et torturé que le duo français semble particulièrement apprécier, comme en témoigne ce tout premier album. Avec un titre qui n'est pas sans évoquer l'esprit de Peter Pan, Simon Buret et Olivier Coursier y proposent en effet une balade onirique dans un monde sonore débordant d'images, de doutes et d'introspections avec voix cassée, piano nostalgique et habillage électro de circonstance. Souvent atmosphérique, parfois éthérée, cette quête de naturel et d'authenticité avance avec charme, sans surprendre toutefois, sur un chemin où les David Lynch pour le décor, Baz Luhrmann pour l'atmosphère et Antony and the Johnsons pour la forme ne sont pas très loin. En spectacle le 19 mars au Cabaret Juste pour rire. - Fabien Deglise
Pop - Yael Naim et David Donatien, Yael Naim et David Donatien, Tôt ou tard - Warner
Yael Naim? Mais oui, c'est une de ses chansons qui accompagne la pub du nouvel ordinateur de Mac. Vous savez, le p'tit piano au début, le portable dans l'enveloppe... Et comme il n'y a pas de hasard, le second album de la Franco-Israélienne est en magasin en ce moment, sur étiquette Tôt ou Tard (Fersen, Delerm). Accompagnée du multi-instrumentiste David Donatien, la jeune chanteuse de 30 ans offre un disque à la fois surprenant et réconfortant. D'abord parce qu'il est chanté en trois langues, soit principalement en hébreu, partiellement en anglais et un tout petit peu en français. Au début, ça étonne, mais la sonorité de tous ces mots qu'on ne comprend pas — mon hébreu est un peu rouillé — est fort agréable à écouter. Il n'y a qu'à savourer le premier titre, Paris, pour se sentir happé dans la pop et le folk feutrés et délicats de Naim. Par-ci, par-là, quelques cordes, des cuivres et des percussions bercent la guitare et le piano. Si le dosage est généralement bon, Yael Naim se perd un peu à mi-parcours, entre autre sur la pleurnicharde Lonely. Mentionnons en terminant sa surprenante reprise de Toxic de Britney Spears. On vous l'assure: Yael Naim, ce n'est pas que du vent. - Philippe Papineau