Musique classique - Claude Vivier, toujours présent

Walter Boudreau éprouve beaucoup de nostalgie en pensant à son ami Claude Vivier, décédé il y a 25 ans. Photo: Roy Hubler
Photo: Walter Boudreau éprouve beaucoup de nostalgie en pensant à son ami Claude Vivier, décédé il y a 25 ans. Photo: Roy Hubler

La première phrase de Walter Boudreau présentant, sur le site Internet de la Société de musique contemporaine du Québec, la saison-hommage à Claude Vivier est magnifiquement concise et sentie: «Vivier. Claude Vivier. Comme on dit Mozart. Wolfgang Amadeus Mozart... N'est-il pas normal de reconnaître nos propres héros?»

Ce soir, Walter Boudreau dirigera Vivier lors du concert de clôture de la semaine MusiMars. Trois oeuvres sont au programme: Zipangu (1980), pour sept violons, trois altos, deux violoncelles et contrebasse, Learning (1976), pour quatre violons et percussion, ainsi que Shiraz (1977), pour piano seul.

La saison-hommage à Claude Vivier coïncide à la fois avec le soixantième anniversaire de sa naissance et le vingt-cinquième anniversaire de sa mort, le 12 mars.

Un voyage marquant

Claude Vivier, né en 1948, est un élève en composition de Gilles Tremblay. Il étudie ensuite (1971-74) en Europe, auprès de Karlheinz Stockhausen et Paul Méfano. En 1977, année importante, il entreprend un voyage en Asie, notamment à Bali, qui le marque profondément. La découverte des musiques balinaises lui inspire des oeuvres telles que Pulau Dewata ou Shiraz.

De Pulau Dewata, que MusiMars a présentée mardi dernier (voir Le Devoir du 5 mars), Walter Boudreau, directeur de la Société de musique contemporaine du Québec, collègue et ami de Vivier, dit, en entrevue au Devoir, qu'il s'agit d'une «catharsis permettant à Vivier de se débarrasser de tous ses tics contemporains».

Par «tics contemporains», Boudreau parle du sérialisme, de manies inhérentes aux compositions des années 60 ainsi que du jansénisme musical d'Anton Webern: «Plus prude que Webern, on rentre au couvent!», analyse Walter Boudreau, qui voit la musique de Webern comme une distillation intellectuelle fascinante. «Mais ce n'est pas ma tasse de thé de gratter jusqu'à l'os; j'aime la chair.»

Claude Vivier aussi. Il en est mort dans des circonstances tragiques. Malgré ce que son ami Walter appelle «son histoire de Dr Jekyll et Mister Hyde», la spiritualité est un des ressorts de l'art de Vivier. «Son catholicisme était très vécu. Oui, il sombrait dans le péché, mais il allait faire pénitence, et pendant ses moments de pénitence, il rêvait de pureté.»

La voix comme refuge

Walter Boudreau pense même que «cette espèce de spiritualité a été encouragée auprès d'un Stockhausen qui lui-même découvrait la spiritualité, par rapport à un Boulez athée, progressiste, nouvelle cuisine, sensationnaliste, trouvant que tout le monde devait composer pareil.» Il est très heureux qu'après le séjour à Bali et la catharsis de Pulau Dewata, Claude Vivier ait trouvé sa voie: «Le problème avec la musique sérielle est que c'est une musique utopique, et Claude a laissé tomber cela.»

Boudreau définit aussi Vivier comme un «mélodiste qui aimait chanter». C'est pour cela que «la voix est le fil conducteur de l'inspiration de Vivier, le support essentiel de son discours».

Walter Boudreau éprouve beaucoup de nostalgie en pensant à son ami. D'abord en tant que chef: «J'aimerais qu'il soit là à mes côtés quand je dois diriger sa musique pour que je lui torde le cou. Il y a beaucoup de choses chez Vivier qui ne sont pas claires. Et quand il y a des ambiguïtés dans une musique et que le compositeur est mort, on est obligé de prendre des décisions qui sont forcément contestables.» Mais il regrette avant tout l'ami: «Quand il était à Montréal, on se téléphonait tous les jours. Je m'ennuie de ça. Son absence a fait un trou dans ma vie. C'était un gros bébé que j'aimais beaucoup... »

Collaborateur du Devoir

CLAUDE VIVIER

- Concert de clôture MusiMars. Série-hommage à Claude Vivier. Ensemble de la Société de musique contemporaine du Québec. Walter Boudreau (direction), Jacinthe Riverin (piano). Salle Pollack ce soir à 20h. - Prochains concerts de la série-hommage les 5, 13 et 14 avril. www.smcq.qc.ca.

À voir en vidéo