Entrevue avec DJ Rekha - Ceci n'est pas de la musique du monde

Après dix ans de soirées bhangra, DJ Rekha est aujourd’hui la plus grande référence dans le genre à New York, où la musicienne est également active au sein de plusieurs organismes communautaires. Photo: MDM Artists
Photo: Après dix ans de soirées bhangra, DJ Rekha est aujourd’hui la plus grande référence dans le genre à New York, où la musicienne est également active au sein de plusieurs organismes communautaires. Photo: MDM Artists

DJ Rekha se défend bien de faire de la musique du monde. Cette New-Yorkaise de descendance indienne refuse les limitations implicites de cette catégorisation, même si elle fait surtout jouer des disques aux influences punjabis.

«C'est un terme très dérangeant à l'implication presque anthropologique», raconte Rekha Malhotra, jointe plus tôt cette semaine en Inde où elle terminait une tournée. «Les personnes qui parlent de musique du monde sont en fait les mêmes personnes qui pensent que la musique bhangra n'est pas assez traditionnelle... »

Depuis la division de la région du Punjab entre le Pakistan et l'Inde, en 1947, les Punjabis se sont regroupés autour de cette musique à l'histoire plusieurs fois centenaire et dont l'origine remonte à une danse coutumière. Grâce à l'émigration, le genre a connu un regain de popularité à Londres dans les années 80 et s'est ensuite souvent mélangé à des influences hip-hop, électroniques et jamaïcaines.

«Lorsqu'on parle de musique du monde, il y a un élément implicite qui sous-entend que la tradition, ou la musique dite ethnique, est associée à l'absence d'influences externes. Ce n'est toutefois pas de cette façon que les choses fonctionnent en réalité. Par exemple, autour de moi en ce moment, je vois partout des pancartes publicitaires de Coca Cola ou de Vodafone. Il n'y a pas de culture qui soit stagnante: les choses sont constamment en mouvement. La musique du monde est une catégorie qui a été créée avec de bonnes intentions mais qui a fini par être restreinte à un cadre très limité.»

«Tout dépend de l'endroit où la tradition commence et finit, poursuit-elle. La musique bhangra qui n'est pas influencée par le hip-hop utilise la même technique de production que celle qui utilise le hip-hop et la musique électronique. En fait, toutes les musiques ne sont que des dérivés d'autres musiques qui existaient déjà.»

Après un succès international cinq ans plus tôt, la chanson Mundian To Bach Ke de Punjabi MC, dont la plupart des gens connaissent la mélodie sans en connaître l'auteur, a propulsé le bhangra dans les plus hautes sphères de l'industrie musicale d'ici, surtout hip-hop. Saupoudré d'échantillons, le genre se base pourtant encore majoritairement sur les énormes tambours dhol et les mélodies pincées des cordes du tumbi ou de l'iktar.

Après dix ans de soirées bhangra, DJ Rekha est aujourd'hui la plus grande référence dans le genre à New York, où la musicienne est également active au sein de plusieurs organismes communautaires. Elle vient de lancer au pays sa compilation mixée Basement Bhangra, du nom de ses soirées new-yorkaises. Elle est également l'invitée ce soir de la soirée Baile Montréal au club Lambi (4465, boulevard Saint-Laurent).

Collaborateur du Devoir

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