Frank Zappa revisité

Avec ses collaborations inusitées, ses mises en scène théâtrales et son goût marqué pour les propositions hétérogènes, la formation dirigée par Nicolas Jobin s'emploie depuis 2002 à réconcilier le public avec la musique contemporaine.
Québec — «Trop souvent, on perçoit la musique con-temporaine comme étant élitiste», commente Nicolas Jobin, directeur artistique et fondateur du Consort contemporain de Québec (CCQ), «et je peux très bien comprendre pourquoi! Je viens d'un milieu plutôt modeste où la culture n'était pas particulièrement prisée. Je n'ai donc pas eu la chance de côtoyer des oeuvres marquantes durant ma jeunesse.«En fait, je me suis intéressé relativement tard à la musique classique et contemporaine. Mais lorsque j'ai perçu l'étendue des possibilités, la richesse de cet univers, j'ai été complètement séduit.
«De découverte en découverte, j'ai fait mon apprentissage. Notre ambition avec le Consort est de permettre aux spectateurs de faire un peu le même voyage et de se forger l'oreille à la musique du XXe et du XXIe siècles.»
Aux racines du projet, en 2002, le CCQ est un orchestre de chambre à géométrie variable. «On remplissait surtout des commandes lors d'événements. Mais au lieu de présenter uniquement les grands classiques, on s'amusait à inviter des oeuvres ou des compositeurs moins connus dans notre répertoire.»
Dès 2004, Nicolas Jobin décide de programmer une véritable saison où figure notamment un travail autour de l'oeuvre d'Érik Satie. Mais le point tournant pour le CCQ survient lorsque ses membres ont l'idée d'inviter le chanteur Pierre Lapointe pour une collaboration.
«Dans le cadre de notre saison, on voulait trouver un moyen de rejoindre un public encore plus large. On a été attirés par le travail de Pierre, par ce personnage qui finit par être plus grand que son oeuvre. On lui a donc proposé de faire une version orchestrale de ses pièces.»
Le spectacle présenté au Festival d'été de Québec a connu un succès considérable, tant auprès du public que de la critique. Pour le Consort, cette collaboration inusitée venait d'ouvrir une toute nouvelle avenue artistique.
Dès ce moment, les collaborations se sont multipliées: Les Loco Locass, Fred Fortin et Marie-Jo Thério ont tour à tour vu leurs oeuvres passer entre les mains des compositeurs en résidence au CCQ.
Parallèlement à ces spectacles, le Consort poursuit ses concerts dédiés à la musique des XXe et XXIe siècles en abordant notamment les répertoires de Philip Glass, John Cage et Steve Reich.
En marge du travail musical, le CCQ développe son langage scénique. «Je suis arrivé à la musique par la danse et le théâtre, explique Jobin. Pour moi, il y a de nombreux rapprochements à faire entre ces trois formes d'art. Je me suis aperçu qu'en soutenant la musique plus abstraite par une proposition visuelle, on parvenait à la rendre plus accessible. À chaque spectacle, on dépasse le simple cadre musical pour proposer un univers scénique complet.»
Cette approche globale de la scène ne signifie pas pour autant que le Consort cède à la tentation du récit. «Ça demeure des propositions très ouvertes. Il y a un fil narratif qui relie le tout, mais c'est un fil transparent. Notre tâche est de proposer une organisation esthétique cohérente, mais l'intelligence du spectateur est toujours mise à profit. Comme en danse contemporaine, on lui laisse le soin de lier les morceaux pour tisser sa propre trame du spectacle.»
You can't do that!
Pour clore une saison remarquable — qui a débuté en force lors du Festival Antenne-A avec un rave consacré au compositeur Steve Reich —, le CCQ s'attaque ce soir à l'oeuvre de Frank Zappa.
Avec le compositeur en résidence Pierre-Olivier Roy et la directrice musicale Katia Makdissi-Warren, Jobin propose une lecture bien particulière de l'oeuvre du prolifique compositeur américain.
«Nous nous sommes principalement inspirés du coffret You Can't Do That On Stage Anymore pour construire le spectacle. Zappa a toujours démontré une intelligence musicale phénoménale et une grande théâtralité sur scène. Nous allons tenter de recréer l'esprit de ses tournées. Pour y arriver, le spectacle va être parsemé de pièces connues, de nouvelles créations, de séances d'improvisation et de moments carrément théâtraux où des textes de Zappa seront dits tout en étant accompagnés d'une musique d'ameublement au sens où Sati l'entendait.»
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ZAPPA: YOU CAN'T DO THAT ON STAGE ANYMORE... ET POURQUOI PAS?!
Par le Consort contemporain. Ce soir au palais Montcalm, Québec. www.consortcontemporain.info
Collaborateur du Devoir