Wagner en DVD: deux nouveaux Tristan
À la veille de la présentation, par l'OSM, mardi et vendredi, de Tannhauser en version concert, il nous paraissait intéressant de faire le point sur l'actualité wagnérienne.
Comme on pouvait s'y attendre s'agissant d'opéra, la nouveauté nous arrive surtout sous forme de DVD. L'idéal ici aurait été de faire le point sur les versions de Tannhauser. Mais ce point est vite fait: la «meilleure version d'attente», comme on dit dans le métier, est la vidéo du Festival de Bayreuth 1989, sous la direction un peu trop lente de Giuseppe Sinopoli. On attend une indiscutable référence en vidéo qui puisse égaler l'enregistrement discographique de Georg Solti (Decca, 1970).L'actualité du DVD nous amène plutôt à nous pencher une nouvelle fois sur Tristan et Isolde, qui vient de susciter deux parutions. Nous avions déjà parlé de cet opéra lors de la sortie en DVD de la fulgurante production d'Olivier Py à l'Opéra de Genève (2005). La force expressive viscérale de ce spectacle dirigé par Armin Jordan éclipsait trois des versions concurrentes — Kirschner-De Billy (Opus Arte, à oublier), Konwitschny-Mehta (Arthaus, pour masochistes), Friedrich-Kout (TDK, plat) — et offrait un contrepoint à la vision jaunâtre, épurée, mais classique et intelligente de Dieter Dorn et James Levine au Met (DG).
Glyndebourne
C'est sur les platebandes du spectacle new-yorkais que viennent chasser la réédition de la légendaire production Ponnelle-Barenboim à Bayreuth (1983, DG) et celle de Nikolaus Lenhoff à Glyndebourne en 2007, dirigée par Jirí Belohlávek (Opus Arte).
Comme souvent chez Lenhoff (cf. Lohengrin dirigé par Nagano à Baden-Baden), c'est bleu! Le bleu Lenhoff face au jaune Dorn... Laissons là la caricature.
Tout comme le Tristan de Genève, le DVD filmé en 2007 apporte une forte plus-value sonore et visuelle. Par contre, l'idée de laisser un banc-titre «Tristan et Isolde» sur l'ensemble de l'ouverture est réfrigérante.
La lecture scénique de Lenhoff est beaucoup plus hiératique et statique que celle de Py, avant tout passionnelle et agissante. Les personnages ne sont pas désincarnés, mais on les observe, alors que chez Py on vit leur drame. L'ensemble de l'opéra se passe dans un décor elliptique diversement éclairé, qui emprisonne les protagonistes à la manière d'un diaphragme d'appareil photo.
La direction creusée mais jamais torride de Belohlávek est aussi en phase avec la lecture scénique que la traduction vidéo qui use de plans très longs. Outre la beauté de l'ensemble et la qualité technique, ce DVD a le mérite de regrouper les meilleurs protagonistes de l'heure, surtout Nina Stemme, une Isolde qui triomphe à Bayreuth. Le ténor Robert Gambill fait très bonne figure, alors que Katarina Karneus en Brangäne, Bo Skovhus en Kurwenal et René Pape en Marke sont des références modernes.
Bayreuth
Même si elle date de 25 ans, je ne pourrais pas faire l'impasse sur la production de Ponnelle, avec son inoubliable «arbre de vie» à l'acte 2, la non moins fascinante scène du philtre et la très singulière gestion scénique de la présence de Tristan au 3e acte. Pour un film de 1983, la qualité est remarquable, notamment parce que le producteur avait donné les moyens et la liberté au metteur en scène de filmer sur scène sans public.
Là aussi, il y a un respect et une sorte de distance face à un mythe qui dépasse l'humain. La direction de Barenboim opère en gradation à l'intérieur des actes, au contraire de Johanna Meier, qui faiblit. L'ensemble reste cependant un Tristan et Isolde d'une grande force d'imagination poétique; une vision à connaître.
Il y a à présent un carré d'as dans la vidéographie de cet opéra essentiel, mais mon grand choc reste la vision d'Olivier Py et sa réalisation vidéo par Andy Sommer.
Le carré d'as
1. Genève 2005. Olivier Py et Armin Jordan, avec Jeanne-Michèle Charbonnet et Clifton Forbis. Bel Air.
2. Bayreuth 1983. Jean-Pierre Ponnelle et Daniel Barenboïm, avec Johanna Meier et René Kollo. DG (Nouveauté).
3. Glyndebourne 2007. Nikolaus Lenhoff et Jirí Belohlávek, avec Nina Stemme et Robert Gambill. Opus Arte (Nouveauté).
4. Metropolitan Opera 1999. Dieter Dorn et James Levine, avec Ben Heppner et Jane Eaglen. DG
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Collaborateur du Devoir