Concerts Classiques - Le goût des autres

Double objectif de Kent Nagano pour ce premier concert en 2008: poursuivre l'intégrale Beethoven et présenter au public la compositrice coréenne établie en Allemagne, Unsuk Chin, dont il vient de créer à Munich l'opéra Alice au pays des merveilles.

Pour l'éditeur de ses partitions, la musique de Chin est «moderne dans son langage, mais lyrique et non doctrinaire dans son pouvoir de communication». Le Concerto pour violon de 2001 doit être une oeuvre importante, puisqu'il a valu à la compositrice la distinction la mieux dotée sur cette planète: les 200 000 dollars du Prix Grawemeyer. C'est bien payé!

Le répertoire du concerto pour violon est très fertile en partitions intéressantes ces temps-ci. Parmi les réussites du genre, on citera les concertos de Peteris Vasks, Magnus Lindberg, Nicolas Bacri ou Einojuhani Rautavaara. Je n'ai pas perçu ce que le concerto d'Unsuk Chin (26 minutes en quatre mouvements) avait de distinctif, de plus inventif... loin de là. On y trouve, dans les premier et quatrième mouvements, beaucoup de «figures» de la part d'un violon qui ne concerte pas vraiment avec une trame orchestrale dont la couleur opalescente originale, translucide, avec un rôle omniprésent de la percussion (ou, à tout le moins, de la pulsation), est la caractéristique principale.

La faculté de persuasion, l'éloquence des compositeurs précités tient au fait de réussir l'amalgame, le dialogue soliste-orchestre qui, dans l'oeuvre d'Unsuk Chin, tient trop souvent de la superposition ou de l'alternance. Cet amalgame s'ébauche à la toute fin du volet initial et s'opère au début du mouvement lent, où la beauté scintillante des sonorités de l'orchestre est à son comble. Ce qui fait l'attrait de la musique d'Unsuk Chin, c'est sa couleur particulière, comme en témoigne l'épisode en pizzicatos (3e mouvement) qui rappelle la Musique pour cordes, percussions et célesta de Bartok. Je ne suis pas sûr que Chin ait besoin du genre concertant pour l'exprimer, ni que le genre concertant gagne à l'y voir évoluer.

À chacun ses goûts, mais je ne vois pas comment on peut s'accaparer ou s'attacher à cette musique. Vu d'ici, le concerto d'André Prévost (1997) méritait au moins autant une reprise que le concerto de Chin une première. Après une première minute quasi catastrophique, Viviane Hagner s'est bien replongée dans cette oeuvre qu'elle a créée en 2002 et nous a donné ensuite, accompagnée par un orchestre très net, un Saint-Saëns tout en subtilités et fines nuances.

Quant à Beethoven, Kent Nagano poursuivait sa série en rodant les Symphonies n° 4 et 8. Le pléthorique déploiement de percussions requis par Chin obligeait le chef à renoncer à sa disposition habituelle de l'orchestre (avec les violons séparés et les contrebasses à gauche). La Quatrième a été marquée par une très belle articulation du 2e mouvement, des nuances «dans la coulée» (et non en rupture) et un allegro vivace plus vif dans le 3e mouvement que dans le premier. Dans la Huitième on a noté l'accompagnement par un violoncelle solo du trio du 3e mouvement, un second volet pas assez ludique, ainsi que des ritardandos anticipés de deux mesures dans le premier, ce qui en brise un peu l'élan. Beaucoup de risques pris dans un Finale au tempo d'enfer.

Tout cela ne peut que bénéficier des reprises qui viendront assurément, car le substrat est bon.

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LES GRANDS CONCERTS

Unsuk Chin: Concerto pour violon (2001). Saint-Saëns: Introduction et Rondo capriccioso. Beethoven: Symphonies n° 4 et 8. Viviane Hagner (violon), Orchestre symphonique de Montréal, dir. Kent Nagano. Salle Wilfrid-Pelletier, mardi 15 janvier. Reprise ce soir.

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