DJ Shadow - Schizophrène ou génial?

Schizophrène ou génial? Partout sur la planète, on choisit son camp devant le nouveau disque de DJ Shadow. Le troisième album de ce prodige, The Outsider, suscite en effet une polémique sur les blogues depuis son arrivée dans les bacs des disquaires, il y a quelques jours.
DJ Shadow a connu la célébrité à la fin de 1996 avec la sortie de son premier album, Endtroducing. Tant les critiques que les amateurs s'étaient alors passionnés pour ce disque, que plusieurs situent aujourd'hui (et avec raison) parmi des classiques comme Dark Side of the Moon de Pink Floyd. Pièce marquante du mouvement trip-hop, le hip-hop instrumental d'Endtroducing a été le premier album produit uniquement à partir d'un échantillonneur. Ceci lui a d'ailleurs valu une citation dans le Livre des records Guiness.Plus que sa technique, ce sont les ambiances cinématiques et feutrées, parsemées d'échantillons soul et funk obscurs, qui ont permis à ce disque de conquérir un public beaucoup plus large que celui du hip-hop. Le deuxième album de DJ Shadow, The Private Press (2002), se situait d'ailleurs dans la même lignée.
Cette fois-ci, Shadow change son fusil d'épaule. Il devrait s'aliéner ainsi une grande partie de ses fans. La majorité des pièces de The Outsider accueille un rappeur ou un chanteur. Mais ce qui est encore plus marquant, c'est qu'il vogue d'un genre à l'autre, du soul au rock, avec une prédilection pour le nouveau mouvement hip-hop des ghettos d'Oakland et de San Francisco, le hyphy. Aucune continuité ne se dégage de ce disque aux allures disparates. Pourtant, la force de Shadow, sa production minutieuse, demeure inégalée.
Sur 3 Freaks, le premier extrait paru au printemps, les rythmes cadencés et les percussions léchées prennent une tournure sautillante. Ils sont pourtant dissimulés derrière le rap de Keak Da Sneak et Turf Talk, deux nouveaux protégés du populaire groupe hyphy E-40 (également sur le disque). Sur The Tiger, les échantillons de bongos et de guitares se retrouvent juxtaposés à la voix de Sergio Pizzorno, du jeune et célèbre groupe brit-pop Kasabian. Le rappeur légendaire Q-Tip (A Tribe Called Quest) et le vulgaire David Banner (ici plutôt posé, toutefois) apposent aussi leur voix sur une pièce de l'album.
Tous ces ajouts, très souvent maladroits, enlèvent cependant de la profondeur à l'ensemble. Les mélodies deviennent souvent lassantes, et ceci est particulièrement vrai des refrains. Il semble aussi que Shadow ait camouflé derrière une réalisation dense et saturée l'utilisation de synthés sans grande envergure.
Reste que l'artiste est toujours unique. Plus aventureux l'album précédent (qui répétait les prouesses du premier), The Outsider n'en demeure pas moins limité. Là où on retrouvait un ensemble cohérent proche du sublime, on ne retrouve plus qu'un produit pop aux paroles souvent insipides. Une pop au-dessus de la moyenne, certes. Mais jetable tout de même.
DJ Shadow est en spectacle avec le rappeur Lateef the Truth Speaker au Métropolis ce soir.
Collaborateur du Devoir