La présence de Fox News au Canada remise en question

Fox News devrait-il encore être offert par les câblodistributeurs canadiens ? Un organisme qui défend les droits des personnes LGBTQ+ croit que non, et a officiellement déposé une requête en ce sens devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Dans la foulée, une consultation a été lancée la semaine dernière sur le permis de diffusion au pays de la chaîne d’information américaine de droite.
L’organisme torontois Egale en a contre des propos tenus à l’encontre des minorités sexuelles par l’animateur Tucker Carlson, qui a depuis été congédié par Fox News. On lui reproche d’avoir dépeint en ondes les personnes trans comme des individus dangereux et violents qui voudraient s’en prendre par la force aux chrétiens.
« Le segment contenait également une série d’autres informations erronées malveillantes sur les personnes 2STNBGN [bispirituelles, trans, non binaires et non conformes], notamment que les personnes trans bénéficient d’un traitement préférentiel en matière d’emploi et d’autres perspectives favorables. Il s’agit clairement d’une tentative d’attiser le ressentiment contre les gens 2STNBGN », peut-on lire dans une lettre de la directrice d’Egale Canada, Helen Kennedy.
Selon elle, Fox News a contrevenu aux règles du CRTC, qui prévoient qu’un diffuseur peut perdre sa licence pour des propos haineux. Sa missive a été officiellement envoyée au CRTC le 4 avril dernier, soit avant que Fox News n’annonce le congédiement de Tucker Carlson. Malgré tout, conformément à la procédure, une consultation a été lancée mercredi dernier sur le site du CRTC.
Depuis, plus d’un millier de Canadiens ont fait entendre leur avis ; la plupart d’entre eux sont favorables au maintien en ondes de Fox News au nom de la « liberté d’expression ». Les citoyens ont jusqu’au 2 juin pour s’exprimer en ligne sur le sort de Fox News, après quoi l’organisme fédéral pourrait décider de sanctionner ou pas le média d’information. Le gouvernement Trudeau n’a pas voulu s’avancer, s’en tenant au bon jugement du CRTC.
Une procédure surtout symbolique
Selon Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’École des médias de l’UQAM, il y a très peu de chances que la chaîne américaine perde son permis de diffusion au Canada. « Le principal problème de Fox News [Tucker Carlson] n’est plus à l’emploi de l’entreprise. La plainte me semble donc caduque », note-t-il.
Russia Today, souvent considéré comme un organe de propagande du gouvernement russe, est le seul média étranger à avoir été banni des ondes canadiennes dans les cinq dernières années.
Aimé-Jules Bizimana, professeur à l’Université du Québec en Outaouais, pense qu’il n’est pas souhaitable que le CRTC aille aussi loin dans le cas de la chaîne d’information en continu la plus regardée des États-Unis. « La plainte actuelle est fondée. Il y a en effet un discours ordurier sur les ondes de Fox News auquel il faut s’attaquer. Mais de s’en prendre à la chaîne au complet, ce serait une atteinte à la liberté d’expression. Il faut aussi considérer qu’il y a des gens sérieux aux États-Unis, et même au Canada, qui s’informent avec Fox News. Il faut accepter qu’il y ait une place pour une chaîne d’information de droite », soutient cet observateur du monde des médias.
Fox News et le « grand mensonge »
La chaîne d’information a été mise sur la sellette dans la foulée du procès pour diffamation intenté par le fabricant de machines à voter Dominion Voting Systems. Les deux parties ont finalement conclu une entente à l’amiable qui force Fox News à verser 787 millions de dollars américains à l’entreprise.
À la suite de l’élection présidentielle américaine de 2020, Fox News avait dans un premier temps reconnu la victoire de Joe Biden, ce qui avait choqué bon nombre de ses téléspectateurs. Dans les jours suivants, les têtes d’affiche de la chaîne avaient changé leur fusil d’épaule et adhéré à la théorie de l’élection volée lancée par Donald Trump, s’attaquant à la fiabilité des machines de Dominion.
Or, lors du procès opposant les deux firmes, des courriels internes rendus publics ont laissé entendre que les animateurs de la chaîne avaient délibérément menti à leurs téléspectateurs, puisqu’ils ne croyaient pas eux-mêmes qu’il y avait eu fraude électorale.