Les six quotidiens régionaux de la CN2i annoncent la fin de leur édition papier

Les quotidiens de la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i) couvrent les nouvelles locales dans différentes régions du Québec.
Paul Chiasson La Presse canadienne Les quotidiens de la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i) couvrent les nouvelles locales dans différentes régions du Québec.

La transition numérique des six journaux membres de la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i) franchira une étape décisive d’ici la fin de l’année : ils cesseront complètement d’être imprimés. Une centaine d’employés, soit près du tiers des effectifs, perdront leur emploi dans le cadre de ce virage.

À la fin mars 2020, les quotidiens Le Soleil, Le Droit, Le Quotidien, La Voix de l’Est, La Tribune et Le Nouvelliste, qui couvrent les nouvelles locales de différentes régions du Québec, avaient mis fin à leurs éditions papier en semaine, conservant seulement une édition hebdomadaire publiée le samedi. La mesure, qui se voulait d’abord temporaire dans le contexte de la pandémie, avait été rendue permanente à l’été 2020.

Cette transition se poursuivra à la fin de l’année 2023, lorsque l’édition imprimée du samedi disparaîtra aussi, ce qui fera de ces six quotidiens des publications entièrement numériques.

Le papier coûte de plus en plus cher à produire et à distribuer et il y a de moins en moins de monde pour le lire

L’information dévoilée mercredi par la CN2i était néanmoins attendue par les employés des six quotidiens, qui n’ont donc pas été ébranlés par la nouvelle, a assuré au Devoir le président du syndicat des employés du Soleil, le journaliste Ian Bussières. « Depuis que les coops ont été créées, le fait qu’on s’en va à terme à un abandon complet du papier, tout le monde était au courant. Tous les employés savaient qu’on s’en allait vers ça », évoque-t-il en entrevue.

La dernière édition papier de ces six quotidiens est donc prévue à la fin du mois de décembre 2023.

« C’était écrit dans le ciel », lance aussi Jean-Hugues Roy, professeur à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Le papier coûte de plus en plus cher à produire et à distribuer et il y a de moins en moins de monde pour le lire », ce qui incite plusieurs médias à opter pour un virage numérique, résume le professeur.

La décision de la CN2i s’inscrit justement dans un contexte où ses quotidiens membres ont vu leurs abonnements papier fondre comme neige au soleil au profit du numérique. « L’abonnement au papier était en diminution constante et les abonnements numériques étaient en croissance constante. Les deux lignes se sont croisées et, maintenant, on a plus d’abonnés numériques que d’abonnés papier », relève au Devoir la directrice générale de la CN2i, Geneviève Rossier.

Des emplois touchés

Afin de préparer le terrain de ce virage, la CN2i lancera de nouvelles applications numériques et renouvellera les interfaces Web de ses quotidiens membres. Ces derniers offrent actuellement un nombre limité d’articles gratuits chaque mois ; les lecteurs souhaitant en consulter davantage sont ensuite invités à se procurer un abonnement payant.

Cette transition entraînera également la création d’un programme de départs volontaires, qui sera annoncé en juin, car certains postes entièrement associés à la production des éditions papier deviendront caducs. Des employés pourront alors partir en échange d’une indemnité financière. La CN2i espère ainsi éviter d’avoir à procéder à des licenciements.

Ian Bussières redoute cependant qu’il y en ait quand même, si le nombre d’employés souhaitant partir ne s’avère pas suffisant. En entrevue, il a aussi soulevé la crainte que cette diminution de la main-d’oeuvre entraîne une surcharge de travail pour les employés qui resteront. « Même si ce sont juste des départs volontaires, si, dans mon unité syndicale, j’ai une baisse d’un certain nombre d’employés, est-ce que la charge de travail des employés qui restent va augmenter, ce qui va nous faire perdre les gains qu’on a faits sur les conditions des employés ? C’est ça qui m’inquiète », indique M. Bussières.

Geneviève Rossier assure pour sa part que la CN2i ne souhaite pas « surcharger » les employés des six quotidiens. Les postes retranchés seront principalement ceux associés actuellement à la production du papier, tandis que les emplois à la rédaction seront protégés « le plus que possible », indique-t-elle en entrevue. « On ne veut pas arriver avec un modèle où les gens s’épuisent. On ne veut pas demander aux gens d’en faire plus avec moins. On veut un modèle où ils s’adaptent bien au modèle numérique. »

Un virage généralisé

La CN2i, qui a été créée à la fin de 2019 à la suite de la faillite du Groupe Capitales Médias, compte 350 employés. La création des coopératives de solidarité composées d’employés et de cadres des six journaux concernés avait alors permis d’assurer la survie de ceux-ci, par le biais d’un plan de sauvetage de 21 millions de dollars.

Cette annonce survient une semaine après celle du journal 24 heures, qui a publié jeudi dernier sa dernière édition papier. Le quotidien n’est désormais accessible qu’en format numérique, tandis que son concurrent immédiat dans le réseau de transport en commun de Montréal, le journal Métro, ne publie plus qu’une édition papier par semaine depuis juin 2022.

Au Québec, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ne sont plus publiés le dimanche. Le Devoir propose quant à lui son édition papier du lundi au samedi, tandis que Montreal Gazette a cessé en octobre dernier d’imprimer son édition du lundi.

Ainsi, lorsque les six quotidiens membres de la CN2i cesseront d’imprimer leur édition du samedi, « ce sont plus de la moitié des quotidiens francophones au Québec qui ne seront plus imprimés », relève Jean-Hugues Roy. Une situation qui risque de poser un problème d’accessibilité de l’information, en particulier pour les personnes âgées, relève le professeur.
 



Une version précédente de ce texte, qui indiquait que Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec continuent d'être publiés sept jours sur sept, a été modifiée.

 

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