Le Conseil de presse veut faire appel aux dons pour assurer sa survie

Faisant face à des difficultés financières grandissantes, le Conseil de presse du Québec (CPQ) opère un « virage majeur » en se tournant vers les dons du public pour assurer sa survie et traiter les plaintes, qui se multiplient, de citoyens contre des médias.
« On n’a plus le choix. On doit pouvoir continuer d’assurer notre rôle de tribunal d’honneur des médias, mais on veut aussi contribuer davantage à faire de l’éducation aux médias pour soutenir le milieu. Pour ça, il faut diversifier nos sources de financement », explique en entrevue le président du CPQ, Pierre-Paul Noreau.
L’idée est de permettre désormais à quiconque — organisme ou simple citoyen — de faire un don au CPQ pour l’aider à survivre et à mener à bien son rôle. « Le milieu journalistique n’est pas le seul à croire en la nécessité de protéger nos institutions, soutient M. Noreau. Il y a bien d’autres personnes, des organismes aussi, qui ont intérêt à ce que les médias soient respectables et travaillent avant tout pour l’intérêt public. »
Il affirme qu’ouvrir la porte aux donateurs ne mettra aucunement en péril l’indépendance de l’organisme. Les donateurs seront perçus comme des « amis » du Conseil, qui ont à cœur sa mission, mais ils ne deviendront pas membres de celui-ci et n’auront aucun droit de regard sur son fonctionnement.
Le CPQ réfléchit présentement à la manière de solliciter certains organismes et à la mise en place d’un appel aux dons dans les prochains mois.
Aide nécessaire
Ce « virage majeur », approuvé par le conseil d’administration, a été officiellement annoncé dans le dernier rapport annuel de l’organisme, publié vendredi. Jusqu’ici, le CPQ était financé essentiellement par les cotisations des médias membres et par une subvention annuelle du gouvernement du Québec.
Celle-ci a d’ailleurs été augmentée par le ministère de la Culture et des Communications de 100 000 $ cet automne, ce qui porte désormais le total à 350 000 $ d’aide par année. Il s’agit là d’une demande de longue date du CPQ, la subvention du gouvernement n’ayant jamais été indexée au taux d’inflation dans la dernière décennie.
« C’est certainement la meilleure nouvelle des derniers mois », se réjouit M. Noreau. Cette somme a en effet permis à l’organisme de clôturer son année 2022 avec un déficit de 108 999 $ au lieu du déficit envisagé de près de 200 000 $. Le Conseil ne pouvait par contre prévoir la perte de plus de 73 000 $ dans son fonds d’investissement, qui s’élève aujourd’hui à 612 500 $.
Les finances du CPQ restent donc fragiles et l’empêchent d’améliorer son fonctionnement. L’augmentation de l’aide de Québec a permis d’ajouter une analyste à temps plein en 2022, mais ce n’est pas suffisant pour réduire considérablement les délais de traitement des plaintes, qui s’élèvent à 14 mois.
On n’a plus le choix. On doit pouvoir continuer d’assurer notre rôle de tribunal d’honneur des médias, mais on veut aussi contribuer davantage à faire de l’éducation aux médias pour soutenir le milieu. Pour ça, il faut diversifier nos sources de financement.
Il faut dire que la demande du public est grandissante ces dernières années. En 2022, le CPQ a encore une fois reçu un nombre élevé de plaintes, soit un total de 470 — comparativement à 111 en 2010 — et ouvert pas moins de 230 dossiers. C’est un peu moins que l’année passée, où 260 dossiers ont été ouverts, mais bien plus que les années précédentes, soit 180 en 2020 et 172 en 2019.
Toujours plus de membres
Bien sûr, le CPQ continue de travailler sur tous les fronts en cherchant notamment à recruter de nouveaux membres parmi les médias. En 2022, le Groupe Contex (Les Affaires) et La Presse canadienne ont intégré les rangs de l’organisme. Plus récemment, en janvier, le CPQ est allé chercher l’adhésion de TV5 Québec Canada.
« On songe maintenant à convaincre de plus petits médias à se joindre à nous, puisque la très vaste majorité des grands médias sont déjà membres », souligne M. Noreau.
D’ailleurs, il en a profité pour rappeler que la porte du CPQ restait grande ouverte à Québecor, en dépit des événements des derniers mois. Rappelons que, mi-février, le CPQ a gagné son bras de fer avec les médias de Québecor. La Cour supérieure du Québec a jugé que l’organisme — qui était poursuivi pour la somme de 428 888 $ — n’a pas violé leur droit de non-association en continuant de traiter des plaintes à leur égard, même s’ils ne sont plus membres du CPQ depuis 2010.
« On n’est pas du tout en guerre. Québecor est un gros joueur dans le milieu, on préfère l’avoir avec nous que contre nous », ajoute M. Noreau.