«Moveo», pour mettre les danses actuelles sur papier

Le comité de rédaction du nouveau magazine est composé entre autres de Laurane Van Branteghem, Élisabeth-Anne Dorléans, Amélie Gauthier, Marco Pronovost et Claudia Chan Tak.
Julien Cadena Le Devoir Le comité de rédaction du nouveau magazine est composé entre autres de Laurane Van Branteghem, Élisabeth-Anne Dorléans, Amélie Gauthier, Marco Pronovost et Claudia Chan Tak.

Un nouveau magazine québécois pour les danses actuelles ? Une revue spécialisée de 70 pages, axée essentiellement sur la critique, tirée sur du bon vieux papier à un numéro par année, en pleine crise des médias, alors que les magazines meurent les uns après les autres ? Le pari de Moveo, qui vise sa première parution dès septembre prochain, est audacieux. Casse-gueule ? « Faut essayer de le faire pour voir si ça se peut », répond tout sourire le rédacteur en chef, Marco Pronovost.

La danse est la seule discipline artistique qui n’a pas sa revue au Québec. « C’est la Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP) qui nous a lancé l’idée, pour répondre à cette lacune », indique M. Pronovost, qui est par ailleurs commissaire en danse pour le diffuseur Tangente. « Nous, on pense que ça peut être un outil pour fédérer la communauté. Nous sommes à quelques semaines du dévoilement public de l’appel de textes, et d’une campagne de sociofinancement pour le premier numéro », dont tout le financement sera privé et issu de cette campagne. Moveo espère du financement public pour son second numéro, l’an prochain.

L’équipe éditoriale a donc du pain sur la planche, et devra rapidement le faire lever. Elle est composée de l’artiste Claudia Chan Tak, de l’interprète et commissaire Jane Gabriels, de la chercheuse en arts Véronique Hudon et de Laurane Van Branteghem et d’Élisabeth-Anne Dorléans, toutes deux aussi commissaires pour Tangente avec M. Pronovost. « Presque tout le monde a de l’expérience de publication », souligne le rédacteur en chef.

Moveo parlera « des danses actuelles », précise M. Pronovost, dont les danses traditionnelles qui sont encore pratiquées sur les scènes et dans les studios. On y trouvera des entrevues, des discussions entre créateurs, un segment international, et une section qui passera par l’astrologie pour mettre la lumière, par cet angle, sur différents profils de gens de la danse au Québec.

Nous, on pense que ça peut être un outil pour fédérer la communauté. Nous sommes à quelques semaines du dévoilement public de l’appel de textes, et d’une campagne de sociofinancement pour le premier numéro.

 

Des critiques de danse rempliront aussi les pages, critiques qui se feraient « dans un safe space, autant pour leurs auteurs que pour les créateurs ». Comment ? La réponse, encore floue, tourne autour de la « construction d’un écosystème autour du magazine, de réunir les gens, après les dernières années où le virtuel a pris beaucoup de place, de se retrouver en présentiel, et à travers la matérialité d’une revue papier,  une matérialité [qui est] importante en danse ».

Intergénérationnel, intersectionnel, interdisciplinaire

« On va sortir aussi de la danse pour parler des collaborateurs, en regardant les éclairages, les costumes, les décors », poursuit M. Pronovost. Le tout sera en français, pour un milieu qui est fort bilingue et où les discussions passent rapidement à l’anglais par une sorte de politesse et de reconnaissance des mouvements internationaux et du nomadisme qui sont encore un trait de la danse.

« On veut provoquer des débats d’idées, autour des enjeux esthétiques, artistiques. La danse est un milieu où les gens ont de la difficulté à s’engager, dans le concret, dans les discussions d’idées. La moitié du magazine sera faite par l’équipe éditoriale, le reste sur appel de textes. C’est un magazine qui sera intergénérationnel, intersectionnel et interdisciplinaire. On veut des points de vue diversifiés. De la même manière qu’on travaille à la décolonisation en danse et à celle des scènes, on veut décoloniser l’écriture : on va inviter des gens, des analphabètes, des personnes handicapées, des gens qui parlent des langues étrangères, à écrire aussi, et les encadrer. »

Les ventes de Moveo se feront directement, par le truchement des réseaux sociaux et par un placement chez les diffuseurs en danse. Moveo vise un premier tirage à 200 ou 300 exemplaires. Le public visé ? « Clairement les gens du milieu, et plus encore. »

L’équipe veut aussi offrir aux collaborateurs qui écriront dans ses pages des rémunérations idéales, bien qu’elle ne les ait pas encore chiffrées, pour « aider à améliorer les conditions de travail des danseurs en leur offrant d’autres possibilités de revenus ». Un texte par année peut-il vraiment faire une différence sur les conditions des danseurs ? Voilà le sourire, à la fois ambitieux et « on-ne-le-saura-pas-si-on-ne-l’essaie-pas », qui revient. « On se donne deux ans, pour voir », conclut Marco Pronovost.


Une version précédente de ce texte, qui faisait erronément mention de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) au deuxième paragraphe, a été corrigée.

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