Les médias sur la sellette pour une sixième saison

Marie-Louise Arsenault, l’animatrice à la barre de l’émission.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Marie-Louise Arsenault, l’animatrice à la barre de l’émission.

Dans les médias s’apprête à entamer sa 6e saison à Télé-Québec cette semaine, fait rare pour une émission consacrée aux médias. En cinq années, elle s’est imposée comme un rendez-vous incontournable pour décortiquer les mécanismes de fabrication de l’information et de l’image, tout en posant un regard critique sur le milieu.

« Le milieu médiatique n’a pas l’habitude de se faire critiquer, mais le but, c’est vraiment de faire en sorte que notre milieu se pose des questions et que les choses changent », explique en entrevue Marie-Louise Arsenault, l’animatrice à la barre de l’émission.

Lancé à l’automne 2017, Dans les médias propose chaque mercredi, le temps d’une heure d’antenne, d’examiner sous toutes ses coutures l’écosystème médiatique. On y analyse la couverture journalistique des événements de la semaine, tant au Québec qu’à l’international. On y décortique aussi les images marquantes ayant circulé dans la publicité, dans les médias ou sur les réseaux sociaux.

Un exercice qui n’a rien de facile, concède Marie-Louise Arsenault. « Ce n’est pas une position confortable, parce que ce sont nos collègues qui sont visés. Même si le but n’est pas de montrer du doigt ce qui est bon ou pas bon, il reste quand même qu’on remet en question certaines façons de faire », souligne l’animatrice, confiant avoir déjà reçu des commentaires de collègues « déçus ou mécontents » de propos tenus dans l’émission.

Il est pourtant « nécessaire », selon elle, de prendre ce pas de recul pour pousser la réflexion auprès des journalistes — et ceux qui gravitent autour —, afin d’améliorer certaines pratiques, de faire évoluer certaines mentalités.

Des entrevues marquantes

 

Au fil des années, l’émission a elle-même évolué pour s’adapter aux changements incessants dans l’écosystème médiatique, souligne le président du Groupe Infopresse, Arnaud Granata, qui a développé le concept de Dans les médias et y participe comme collaborateur régulier.

De nouvelles rubriques ont fait leur apparition, d’autres collaborateurs se sont joints à l’équipe et plus de temps est désormais accordé à chaque sujet. La pandémie ayant aussi restreint le nombre de personnes autorisées à la table du plateau, Marie-Louise Arsenault se retrouve désormais seule à la table avec l’invité du jour — une personnalité publique ou un artisan des médias — ce qui permet de créer un hot seat, c’est-à-dire une entrevue sur la sellette. « Les entrevues sont plus chargées, vont plus en profondeur. C’est un gros plus à l’émission », souligne Arnaud Granata.

Et Marie-Louise Arsenault « adore » la formule. « C’est sûr que c’est une entrevue plus “confrontante” pour les invités. On les fait réfléchir sur ce qu’ils ont fait, sur les décisions qu’ils ont prises, sur leur image publique et les incohérences de leur image publique. […] Mais ça se fait avec amour et bienveillance. On n’humilie personne, au contraire. Je pense que les gens en ressortent grandis. »

Par ailleurs, ce format invite aussi à la confidence. « Ça permet à certains de se montrer eux aussi critiques de leur milieu, note-t-elle. […] D’autres viennent pour prendre la parole et changer des perceptions erronées sur eux. »

Parmi ses entrevues marquantes, elle pense au passage de l’ancien ministre péquiste et aujourd’hui candidat caquiste Bernard Drainville, lorsqu’il était animateur au 98,5 FM. « Il a été très transparent, à la fois capable de réfléchir au métier d’animateur et sur le pouvoir que donne cette position, mais aussi à son passage de journaliste à politicien. »

Elle se dit aussi marquée par l’entrevue avec l’animatrice Chantal Lamarre qui s’est exprimée sans filtre sur les difficultés de vieillir à l’écran, ou encore celle avec l’animateur Patrick Lagacé, lorsqu’elle a pu le questionner sur le manque de place des femmes au micro du 98,5 FM.

En revanche, plusieurs personnes refusent systématiquement de se prêter au jeu. « Je ne leur en veux pas, mais je pense que c’est un énorme privilège d’être une personnalité publique. C’est faire acte utile et preuve de générosité de venir parler sincèrement aux gens qui regardent l’émission ; parler du métier, des difficultés du métier, de notre image… etc. Car somme toute, c’est le public qui choisit de nous garder dans son oeil. »

D’ailleurs, qui rêverait-elle de voir à sa table cette saison-ci ? « Beaucoup de monde ! » s’exclame-t-elle. Dans son top 5, on trouve Pierre Karl Péladeau, Julie Snyder, Martin Matte, Paul Arcand et Fabienne Larouche. De gros noms du milieu qui auraient certainement « des choses passionnantes à raconter ». « Ce serait hyper intéressant tant pour le milieu que pour le grand public », ajoute-t-elle.

Éducation aux médias

 

Rappelons-le, l’émission a aussi une fonction pédagogique. En scrutant à la loupe l’univers médiatique, en soulignant les erreurs et les maladresses qui ont été commises, l’équipe explique par la même occasion les rouages de la fabrication de l’image et de l’information. « Je pense qu’une vraie éducation aux médias, ça aide les gens à être moins conspirationnistes, à moins remettre en question tout le travail des journalistes et leur légitimité dans la société », souligne Marie-Louise Arsenault.

Mais à force de critiquer les médias, n’y a-t-il pas un risque d’alimenter la méfiance du public envers eux ? Non, répond d’emblée Arnaud Granata. « C’est avec la transparence qu’on gagne la confiance des gens. Et plus un consommateur de nouvelle sera informé, plus il va avoir un regard critique sur les nouvelles qui nous tombent dessus en surabondance. »

À quoi s’attendre pour la 6e saison ?

On retrouvera les mêmes rubriques et les mêmes collaborateurs réguliers, soit Monique Néron, Vanessa Destiné, Philippe Léger et Arnaud Granata. Ils seront rejoints par des collaborateurs invités pour aborder des sujets spécifiques. Par exemple, dans le cadre de la campagne électorale, Dans les médias proposera une analyse de l’image des cinq chefs des principaux partis. La vice-présidente de Cossette, Chris Bergeron, sera ainsi de passage mercredi pour analyser l’image du chef caquiste, François Legault. Les semaines suivantes, c’est la correspondante pour le journal Le Monde au Canada, Hélène Jouan, qui analysera l’image du chef conservateur, Éric Duhaime, et la metteuse en scène Brigitte Poupart celle de la cheffe libérale, Dominique Anglade. Le fameux hot seat sera bien sûr de retour, et c’est l’autrice et scénariste Kim Lévesque-Lizotte qui ouvrira le bal mercredi. 



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