Un premier festival de journalisme voit le jour au Canada

Un tout premier festival de journalisme verra le jour au pays le printemps prochain, dans la région de la Baie-des-Chaleurs. Dans un contexte de crise de confiance envers les médias, l’événement souhaite créer une rencontre entre journalistes et citoyens pour échanger sur l’information et l’état du monde.
« On traverse une période hypercompliquée. Les médias sont en pleine mutation, et il y a une vraie rupture entre eux et les citoyens. […] Il y a urgence à se parler, à se comprendre, à s’autocritiquer aussi. Il faut expliquer aux gens que l’information est un bien public et que ça les concerne directement », souligne en entrevue le journaliste et directeur général du festival, Bertin Leblanc. Il doit annoncer officiellement la création de ce nouveau rendez-vous lors d’une conférence de presse lundi.
La première édition du Festival international du journalisme de Carleton-sur-Mer (FIJC) se tiendra du 18 au 21 mai 2023, en Gaspésie, comme son nom l’indique. M. Leblanc tenait mordicus à l’organiser dans sa région natale. Le festival y reviendra ensuite chaque année, le week-end précédant la Journée nationale des patriotes.
L’invitation sera lancée à des personnes d’horizons différents : journalistes canadiens et étrangers, directions de médias, personnel enseignant, chercheurs, étudiants, et surtout au grand public. « On veut vraiment créer un forum citoyen convivial sur le thème du journalisme », souligne le directeur général.
On traverse une période hypercompliquée. Les médias sont en pleine mutation, et il y a une vraie rupture entre eux et les citoyens. […] Il y a urgence à se parler, à se comprendre, à s’auto-critiquer aussi. Il faut expliquer aux gens que l’information est un bien public et que ça les concerne directement.
Une idée de longue date
L’idée de créer un tel événement lui trottait dans la tête depuis plusieurs années. Le reporter, qui a longtemps travaillé en Europe — notamment à Paris pour Radio-Canada —, a participé à plusieurs festivals sur le journalisme qui l’ont grandement inspiré. Il donne en exemple le Festival international de journalisme de Couthures-sur-Garonne, en France, qui en est à sa 6e édition. Ou encore l’International Journalism Festival qui se tient à Perugia, en Italie, depuis 16 ans.
« J’ai toujours trouvé ça bizarre qu’il n’existe aucun rendez-vous de ce type au Canada. Oui, on a le congrès annuel de la FPJQ [Fédération professionnelle des journalistes du Québec] au Québec, qui permet d’avoir des réflexions sur notre métier, mais ça reste très corporatif. Il faut décloisonner ces discussions-là », estime-t-il.
Dans la dernière année, il a ainsi multiplié les démarches pour trouver du financement et des partenariats, et constitué un OBNL pour donner vie à son projet. La programmation reste encore à faire, mais Bertin Leblanc a déjà une bonne idée de ce qui attendra les participants en mai prochain : rencontres, débats, cinéma, expositions photo, théâtre, le tout en lien avec le journalisme et l’actualité de l’heure.
Il donne quelques exemples plus précis, dans lequel des artisans des médias, épaulés par un metteur en scène d’une troupe de théâtre locale, vont raconter sur scène des récits journalistiques. Il souhaiterait aussi organiser des soirées cinéma, avec la projection de films liés au journalisme comme Illusions perdues, avec Xavier Dolan, sorti récemment, ou encore le film Camille (2019) qui raconte l’histoire de la photoreporter française Camille Lepage, tuée en Centrafrique dans l’exercice de son métier.
« Il y aura aussi une rubrique “c’est la faute aux maudits journalistes” où on invitera une personne dont la vie a été impactée par la presse à raconter son histoire et à en discuter avec ceux qui ont fait les reportages à son sujet », indique-t-il, donnant pour exemple l’ancienne ministre libérale Nathalie Normandeau, désormais animatrice au 98,5 FM.
« En résumé, il y aura une grande part de divertissement, ajoute le directeur général. Je ne voulais pas qu’on se retrouve juste avec des panels de têtes parlantes. Pour attirer le public, ça prend du divertissement. »
« Un pari »
Attirer le public venant de l’extérieur de la région gaspésienne est en effet un de ses principaux défis, reconnaît-il. « Le faire à Carleton-sur-Mer, c’est un pari. Je comprends qu’il peut y avoir un blocage parce que c’est loin des grands centres, mais je suis certain qu’on peut y arriver. En choisissant un long week-end, ça permettra aux gens d’avoir du temps pour se déplacer, de les convaincre de passer du temps dans la région », précise M. Leblanc, qui envisage même de noliser des bus qui partiront de Montréal et de Québec.
Parrain de cette première édition, l’ex-journaliste et chroniqueur international Jean-François Lépine reste aussi confiant au sujet de la popularité que pourra avoir le festival même en se tenant à Carleton-sur-Mer. « C’est une région extraordinaire à découvrir. On la rattache d’ailleurs beaucoup à René Lévesque, qui a été un très grand journaliste avant d’être chef de gouvernement. Je suis certain que les gens vont se déplacer, qu’on va réussir à leur donner envie de participer », soutient-il, ravi de tenir ce rôle de conseiller pour l’événement.