Tir groupé pour une refonte de la loi sur l’accès à l’information

À l’approche des élections québécoises, une quinzaine de regroupements unissent leur voix pour demander aux partis politiques de s’engager à réformer la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics s’ils sont portés au pouvoir. Cette Loi, qui fêtera ses 40 ans mercredi, est désuète selon eux, et constitue, dans sa forme actuelle, un frein à une saine démocratie.
« À l’heure où la possibilité de présenter un projet de loi est derrière nous, [nous demandons] à tous les partis de prendre l’engagement formel de présenter un projet de loi de réforme […] dans les 100 premiers jours de leur accession au gouvernement », écrivent-ils dans une lettre dont Le Devoir a obtenu copie.
Parmi les 18 signataires, on trouve la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, le Réseau FADOQ, la Centrale des syndicats du Québec, la Coalition des associations des consommateurs ainsi que l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec.
Adoptée le 22 juin 1982 par le gouvernement Lévesque, la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels vise à favoriser l’accès des documents d’ordre public détenus par l’État.
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Victimes des flous de la loi, des citoyens racontentL’idée d’une refonte en profondeur de la Loi ne date pas d’hier, mais cela n’a jamais été une priorité politique. Le gouvernement Couillard avait bien déposé un projet de loi en ce sens en 2018, mais aucune loi n’a eu le temps d’être adoptée avant la fin de la session parlementaire.
Au sein du gouvernement Legault, le ministre responsable de l’Accès à l’information, Éric Caire, s’est pour sa part montré peu désireux de réformer la Loi, misant plutôt sur une plus grande divulgation de certaines données publiques sur Internet.
Refonte en profondeur
Aux yeux des regroupements signataires, cette proposition est insuffisante. Dans leur lettre, ils énoncent ainsi leurs attentes précises vis-à-vis de cette réforme tant attendue.
Pour commencer, il est nécessaire, selon eux, de revoir la définition des documents auxquels les citoyens devraient avoir accès en tout temps et de constituer « une liste précise » des documents et renseignements qui seraient exclus de la Loi. À l’heure actuelle, un flou demeure, qui permet des interprétations diverses et variées d’une institution à l’autre, remarquent-ils.
Le calcul du préjudice que pourrait entraîner la divulgation d’un document public devrait systématiquement toujours primer dans le traitement des demandes d’accès à l’information. Les organismes et institutions devraient, de plus, avoir l’obligation de présenter une justification en cas de refus, ce qui n’est pas toujours le cas présentement.
Les signataires demandent également que l’on mette un terme aux pratiques douteuses pour retarder, voire refuser, la diffusion de l’information. Parmi elles : le caviardage abusif, la facturation abusive ou le traitement arbitraire des demandes selon qui est le demandeur. Sans parler des délais de traitement, qui s’étirent toujours plus.
Et pour que cette réforme fonctionne, ils plaident pour des « sanctions conséquentes » en cas de non-respect des délais, d’absence d’accusé de réception, de non-traitement de la demande ou encore de non-justification d’un refus de traitement.
Nécessaire transparence
En unissant leur voix, ces regroupements appartenant à des milieux différents ont aussi voulu montrer que ce dossier est l’affaire de tous.
C’est également ce que l’autrice et journaliste Marie-Ève Martel a mis en avant dans son essai Privé de sens. Plaidoyer pour un meilleur accès à l’information, publié en novembre dernier.
« Tout membre d’une communauté devrait avoir le droit de consulter tout document ou renseignement qui concerne la population et […] sa propre personne. Cela inclut la reddition de comptes de la part des individus élus par la majorité pour gérer les affaires publiques en leur nom, comme la manière dont sont administrés les fonds publics, les décisions prises quant à plusieurs enjeux et le devoir de bien représenter les intérêts de la population plutôt que ceux individuels », écrit-elle dans son livre.
En faisant preuve de transparence, les institutions encouragent la confiance de la population envers ses représentants, ce qui constitue la base d’une « saine gouvernance ». Le problème, souligne-t-elle avec de nombreux exemples à l’appui, c’est que plusieurs organismes voient plutôt l’information comme une « ressource précieuse qui ne doit pas être rendue accessible à tous », ou du moins avec un filtre pour protéger leur propre image.