Michaël Nguyen appelle à l’union des forces

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), qui tient ce week-end son congrès annuel, a depuis quelques jours un nouveau président, Michaël Nguyen, journaliste judiciaire au Journal de Montréal. Dans ce rôle, le reporter de 34 ans, élu par acclamation, mise beaucoup sur l’union des forces en présence et met l’accent sur le travail de coulisse pour redonner du souffle à une profession en crise.
Journaliste depuis janvier 2011, d’abord comme stagiaire à Rue Frontenac puis au Journal de Montréal, Michaël Nguyen est un être « idéaliste et passionné », selon les mots de la FPJQ, où il est impliqué depuis plusieurs années, notamment à titre d’administrateur depuis trois ans.
Aussi rieur que rigoureux, Michaël Nguyen est conscient que son jeune âge — et ses « traits enfantins », reconnaît-il, moqueur — peut soulever des questions, mais il estime que l’école du palais de justice lui a permis d’apprendre rapidement son métier ainsi que les rouages des différents médias.
« J’ai été entouré de gens absolument brillants, comme [le président sortant de la FPJQ] Stéphane Giroux, Isabelle Richer, Christiane Desjardins, Sue Montgomery. Tout le monde a été tellement généreux avec moi quand j’ai commencé, explique Nguyen au Devoir. Ce sont des collègues « compétiteurs », mais qui étaient dans le même bureau que moi au palais. Et c’est certain que j’ai été sensibilisé rapidement à tous les enjeux journalistiques. »
Nguyen, lauréat en 2012 de la bourse Arthur-Prévost récompensant un journaliste prometteur en début de carrière, entrera en poste officiellement dimanche, à l’assemblée générale de la FPJQ.
« Mais je ne prétends pas avoir la vérité infuse comme président, je ne veux pas défoncer des portes en disant : “C’est moi, le boss.” Moi, je suis Belge de naissance, et la devise de ce pays, c’est : “L’union fait la force”. Et j’y crois réellement. Je prends les conseils de tout le monde, j’écoute tout le monde, et c’est ensemble qu’on va travailler. »
Dans le grand public, Michaël Nguyen s’est fait connaître en septembre 2016 lorsque son ordinateur a été saisi par la Sûreté du Québec dans une affaire de protection des sources journalistiques. Plus récemment, il aurait été victime d’intimidation en marge d’un procès criminel, et trois personnes font face à des procédures judiciaires pour s’en être prises à lui.
Vivre ça « n’est pas agréable du tout, franchement », dit le journaliste. « En même temps, de voir tout le soutien de la profession, ça m’a fait dire qu’on est capables de s’unir des fois. L’affaire Patrick Lagacé et Marie-Maude Denis, par exemple, ç’a fait la même chose. Ce sont de petits éléments qui font qu’on peut avancer avec des intérêts communs tout en conservant les particularités de chacun. »
Jeu de coulisses
Michaël Nguyen arrive en poste à un moment où de l’aide gouvernementale fédérale et provinciale a été annoncée pour la presse, mais où les entreprises médiatiques restent extrêmement fragiles.
« Ç’a permis de mettre un frein à la spirale descendante, mais après, il faut continuer et en faire plus », croit-il.
À son avis, le rôle du président de la FPJQ est d’une part d’être présent publiquement pour souligner les bons coups et « dénoncer les situations inacceptables », mais aussi et surtout de travailler dans l’ombre.
« Il y a le travail de lobbyisme auprès des élus, par exemple. Ce n’est pas médiatisé, mais c’est ça qui, je pense, est acteur de changement. Nous, en tant que fédération, on est rendus à un point où ça passe par le législatif. »
Parmi ses priorités, il y a notamment la taxation des géants du Web, qui permettrait de redistribuer les profits dans la création de contenu de qualité.
Nguyen a aussi à coeur les médias régionaux, en particulier les hebdomadaires, qui sont durement touchés par la fuite des revenus publicitaires et qui oeuvrent souvent dans des environnements difficiles, « où on voit encore des petits maires roitelets ».
« Et l’autre problème avec l’érosion des revenus, c’est que les médias régionaux n’embauchent plus, parce qu’ils sont en difficultés financières, et ça fait que c’est tout le système de relève [journalistique] qui s’épuise. »
Michaël Nguyen, qui est aussi président de son syndicat au Journal de Montréal, admet d’emblée qu’il a des conditions salariales qui lui permettent de s’impliquer à plein dans son métier et dans sa fédération. Le fait qu’il ait été élu par acclamation l’agace toutefois. « On peut voir ça de plusieurs façons, mais j’ai entre autres l’impression, après avoir parlé avec des journalistes d’un peu partout, qu’ils savent que ça demande beaucoup de temps d’être président de la FPJQ » et que les tâches quotidiennes des reporters tendent à s’empiler plus qu’à diminuer.
Il a d’ailleurs affirmé au Devoir qu’il comptait renoncer à l’indemnité mensuelle de 200 $ que la FPJQ donne pour les déplacements du président. Il compte en faire une ou deux bourses « pour encourager les gens à s’impliquer dans la cause journalistique ».
« Nous, on veut essayer d’unir, de porter le journalisme, conclut-il. Peu importe la méthode, on veut du journalisme de qualité, qui soit bien fait, dans de bonnes conditions. »