Médias: forte hausse de la présence des relations publiques dans les articles

Les résultats publiés dans la revue «Communiquer» ont montré que le 20 octobre 2016, 76,4% des articles contenaient «des éléments issus des relations publiques», alors que ce chiffre était de 66,1% le second jour d’analyse. À titre comparatif, cette statistique était de 47,2% en 1988.
Photo: Borislav Bajkic Getty images Les résultats publiés dans la revue «Communiquer» ont montré que le 20 octobre 2016, 76,4% des articles contenaient «des éléments issus des relations publiques», alors que ce chiffre était de 66,1% le second jour d’analyse. À titre comparatif, cette statistique était de 47,2% en 1988.

Une étude menée dans six quotidiens québécois montre que jusqu’à trois quarts des nouvelles faites maison contiennent des informations fournies par des relationnistes de presse. C’est une hausse importante par rapport à un exercice similaire effectué 28 ans plus tôt alors que moins de 50 % des articles comptaient un apport des relations publiques.

L’étude menée en 2016 par la professeure à l’école des médias de l’UQAM Chantal Francoeur s’inspire d’un travail similaire fait par Gaëtan Tremblay en 1988, ce qui permet de comparer certaines données.

Mme Francoeur a utilisé les articles de six quotidiens — les mêmes que M. Tremblay —, soit La Presse, Le Devoir, Le Nouvelliste, Le Quotidien, Le Soleil et Le Journal de Montréal. La professeure et une équipe de huit étudiants ont scruté les papiers signés par les journalistes maison des quotidiens lors de deux éditions, les 20 octobre et 1er novembre 2016. Les textes de certains secteurs, d’emblée plus propices aux liens avec les relationnistes de presse — comme les entrevues artistiques, les sports, le tourisme et le voyage —, ont été exclus de l’analyse.

Les résultats publiés dans la revue Communiquer ont montré que le 20 octobre 2016, 76,4 % des articles contenaient « des éléments issus des relations publiques », alors que ce chiffre était de 66,1 % le second jour d’analyse. À titre comparatif, cette statistique était de 47,2 % en 1988.

« Par chance, les mêmes salles de nouvelles existaient, et quand on a procédé à notre étude, La Presse était toujours imprimée sur papier. Il y avait beaucoup de similarités », estime Mme Francoeur. Du même souffle, elle ajoute que plusieurs choses ont aussi changé, comme le Web, les réseaux sociaux et les chaînes d’informations en continu, et que l’étude en a tenu compte dans son analyse.

La professeure ajoute que pour expliquer cette hausse il faut entre autres voir qu’« en 2016, on a beaucoup plus de façons de collecter l’information qu’à l’époque et qu’il y a à la fois plus de canaux [journalistiques] et plus de sollicitation » des relationnistes de presse.

Multiplier les sources

 

L’étude montre d’autre part que le nombre d’articles maison « reposant sur une seule source issue des relations publiques » a fortement diminué entre 1988 et 2016. À l’époque, 29,6 % des papiers ne citaient qu’une référence officielle, alors qu’en 2016, ce chiffre a oscillé entre 9,8 % et 11,7 % selon le jour analysé.

« Ce qu’on peut dire, c’est que toute la pâte de la démarche journalistique est pétrie de relations publiques, résume au Devoir Chantal Francoeur. Ça va du choix du sujet à couvrir jusqu’aux sources consultées en passant par les citations incluses dans les articles et les angles de couverture. »

Cela dit, Mme Francoeur précise que la nature du travail des relationnistes couvre un très large spectre, et que leurs liens avec les journalistes sont variés. « Ça peut être une source, ça peut être de l’aide, mais ça peut aussi être un mur, un blocage, une cassette. Ça dépend des sujets, et des situations. »

Dans l’article présentant ses recherches, Mme Francoeur cite — anonymement — des journalistes qui ont vu leur travail scruté. L’un d’eux se questionne sur « le faible échantillonnage » et estime qu’il faut être prudent sur les constats à en tirer.

Est-ce que deux jours constituent un corpus suffisant ? « Dire qu’on ne peut rien conclure de ça, c’est plus ou moins vrai, dit Chantal Francoeur. Je sais que ce n’est pas un sujet facile à aborder, mais ce sur quoi j’insisterais, c’est qu’il y a des centaines d’articles analysés et qu’on a un taux de réponse des journalistes de 92 %. C’est juste deux jours dans la vie des journaux, plus une journée de test avec Le Droit, mais ce sont quand même des chiffres éloquents. »

L’étude a en fait analysé 214 articles publiés sur les deux jours choisis.

Dans sa conclusion, la professeure se demande quelle est la place des citoyens dans cette « convergence relations publiques/journalisme ». « Faut-il être relationniste ou être représenté par un relationniste pour faire entendre sa voix, ou défendre sa cause ? » y demande Mme Francoeur, elle-même une ancienne journaliste.

« J’en suis venue à la réflexion qu’on est peut-être dans une société de culture de relations publiques. Peut-être que tout ça est le reflet de la société dans laquelle on vit. »

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