Congrès de la FPJQ: vers une mise en commun des ressources

Devant la force d’attraction du géant Netflix, plusieurs télédiffuseurs se sont rassemblés dans les derniers mois pour faire front commun. L’équivalent pourrait-il se faire dans le monde des médias d’information, aux prises avec une fuite des revenus publicitaires dans un monde numérique en mutation ? Une vision collective des ressources a en tout cas été évoquée plusieurs fois lors du congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), qui se tenait à Québec ce week-end.
« On ne peut plus travailler chacun de son côté. On s’attaque à des géants, parmi les plus capitalisés de la planète, le défi est extrême. Il faudra être unis. Il faut se prendre en main », a lancé la présidente de la Fédération nationale des communications (CSN), Pascale St-Onge, évoquant des joueurs comme Facebook et Google, qui drainent les revenus publicitaires.
Ancrant sa réflexion autour des récentes mesures fiscales annoncées par le fédéral, à l’occasion desquelles le gouvernement Trudeau a souligné l’importance de l’information dans la sphère publique, Mme St-Onge estime qu’« il y a une responsabilité qui vient avec ça. Les médias et les journalistes, on est “imputables” devant le public, et ça va nous appeler à nous unir pour être capables de le faire dans le temps. C’est un changement de culture qu’il va falloir opérer de façon très rapide. On a l’obligation d’y arriver. »
Il a notamment été proposé que des médias puissent s’unir dans l’achat ou le développement de technologies, voire dans la mise sur pied d’une société de gestion de droits d’auteur pour le contenu journalistique, qui permettrait aux entreprises médiatiques de recevoir de l’argent provenant des plateformes en ligne de ce monde, qui utilise le contenu journalistique sans payer de redevances. « Pour moi, c’est très envisageable », a dit l’avocat Normand Tamaro, qui estime qu’une solution « à bas coefficient de difficulté politique » serait pour ce faire d’utiliser la loi existante sur le droit d’auteur et non de tenter de la modifier.
Trouver le lecteur
Lors de la discussion d’ouverture du congrès, samedi, des patrons de presse ont aussi souligné que l’union peut faire la force, entre autres lorsqu’il est temps de s’adresser aux annonceurs. Le monde de la publicité désire de moins en moins rejoindre à des masses floues, préférant trouver des types de lecteurs, « comme la femme de 34 ans qui veut s’acheter une voiture dans trois semaines », a expliqué Florence Turpault-Desroches, directrice principale de l’information à La Presse.
Mais pour ce faire, il faut beaucoup de données sur son auditoire, et l’approche de l’alliance devient un angle d’attaque important. « On peut le faire avec des grands médias qui peuvent fournir des audiences, ou avec des entreprises privées, comme Kijiji, qui est fort sur la géolocalisation. On travaille activement là-dessus pour stopper l’hémorragie. »
Encore une fois, l’intérêt de ces unions est de concurrencer les géants du Web, comme Facebook ou Google, précise Claude Gagnon, de Groupe Capitales Médias, qui s’est associé en ce sens avec Le Devoir et L’Acadie Nouvelle, entre autres journaux. « Ça prend du volume, il faut se diriger vers ça. Si on ne le fait pas, on ne pourra pas entrer dans ce terrain de jeu là. »
Le lien entre la publicité et le lecteur se modifie depuis quelques années dans les médias, alors que les publicités plus classiques font davantage place à du contenu rédactionnel commandité. L’enjeu a soulevé les discussions au congrès de la FPJQ, d’autant que certains travailleurs de l’information doivent maintenant franchir la sacro-sainte barrière entre le contenu journalistique et la publicité.
« On se retrouve à être obligés de discuter avec les ventes, il faut garder notre rigueur parce que notre sens de l’éthique est souvent mis à l’épreuve, dans des situations où il faut donner souvent des réponses rapidement », a témoigné Christian Duperron, directeur de l’information au HuffPost.
Selon ce dernier, il est impératif que les médias soient limpides sur la présentation de ce genre de contenu. Et même si chaque média fait le maximum, le vocabulaire utilisé est souvent différent de l’un à l’autre, ce qui peut amener la confusion chez le lecteur, croit Duperron. « Plus les lecteurs sont mélangés, plus les annonceurs sont heureux », a-t-il résumé.
En vrac
La journaliste du Devoir Améli Pineda a reçu samedi soir la bourse Arthur-Prévost, remise à un journaliste prometteur de la presse écrite, qui oeuvre dans le métier depuis moins de cinq ans. La reporter reçoit ainsi 2000 $. Un jury issu de la profession a été impressionné par « la qualité de ses reportages, sa ténacité, son talent pour fouiller et vulgariser des dossiers juridiques complexes et sa passion pour le métier de journaliste ».La Caisse de dépôt et placement du Québec a annoncé au congrès de la FPJQ qu’elle investissait 300 000 $ sur trois ans pour financer des stages payés en journalisme. Chaque année, donc, dix étudiants pourront profiter de cette initiative. Le tiers du stage devra se faire en journalisme économique, le reste étant à la discrétion des médias. L’annonce a été faite par l’ancienne journaliste Michèle Boisvert, aujourd’hui première vice-présidente au rayonnement des affaires à la Caisse.
Dans un geste symbolique, la FPJQ a déposé dimanche à l’Assemblée nationale une charte de la transparence, pour souligner que « les entraves au travail des journalistes sont encore nombreuses au Québec ». La Fédération profite de l’élection récente de la CAQ pour faire connaître ses revendications aux élus « pour une société plus transparente et le respect du droit du public à l’information ».