Une lutte limitée contre la désinformation

Les fausses informations saturent un peu plus chaque jour le débat politique dans le monde entier.
Photo: Emilio Morenatti Associated Press Les fausses informations saturent un peu plus chaque jour le débat politique dans le monde entier.

Les fausses informations saturent un peu plus chaque jour le débat politique dans le monde entier, portées par la puissance de dissémination et d’exposition des réseaux sociaux, et minant une confiance déjà faible dans les médias et les institutions.

C’est Donald Trump qui a popularisé l’expression « fake news », devenue une arme rhétorique pour attaquer avant-tout les médias, et qui est de plus en plus reprise par les politiques en Espagne, en Chine, en Birmanie ou en Russie. Fake news : l’accusation signifie aujourd’hui tout et n’importe quoi, qu’il s’agisse de fausses informations volontairement produites pour nuire, de pastiche, de maladresses ou d’erreurs, mais aussi d’informations recoupées et vérifiées.

Près de deux ans après la victoire de Donald Trump, le débat fait toujours rage : les fake news ont-elles influencé le vote des Américains lors de la présidentielle de 2016 ? Les fausses informations ont été nombreuses pendant la campagne. Hillary Clinton a notamment été accusée d’entretenir des liens avec un réseau de violeurs d’enfants, tandis que Donald Trump, lui, était crédité du soutien du pape.

La désinformation a eu un « impact significatif » sur le vote, affirment des chercheurs de l’Ohio State University qui ont interrogé des votants pour savoir s’ils avaient cru à certaines fausses informations.

S’ils ne sont pas en mesure d’affirmer que les fake news ont été décisives sur l’issue globale du scrutin, ils ont tout de même noté qu’il suffisait que 0,6 % des votants — soit 77 744 personnes dans trois États clés — modifient leur choix pour altérer le résultat du collège électoral et, donc, de la présidentielle.

Assaut en règle

 

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Trump n’a cessé de qualifier de fake news toute information qui ne va pas dans le sens de ses intérêts — pour le seul mois de juin, 22 de ses tweets emploient l’expression —, tandis que son proche entourage est allé jusqu’à mélanger vrai et faux en évoquant des « faits alternatifs ».

« La vérité n’est même plus considérée comme importante », souligne John Huxford de l’Illinois State University. « Les mensonges et la falsification semblent d’ailleurs renforcer la réputation et l’influence parmi les partisans de ceux qui en font usage. »

Certaines études soulignent que, parallèlement à une polarisation accrue des positions politiques, de plus en plus de gens sont prêts à croire à des mensonges : une étude de 2017 a ainsi montré que 51 % des électeurs républicains croyaient que Barack Obama était né au Kenya, un canular pourtant démystifié des dizaines de fois.

Une étude du MIT, prestigieuse université américaine, publiée début mars, a en outre souligné que les « fausses nouvelles » tendaient à se propager beaucoup plus rapidement que les vraies informations sur Twitter, quel que soit leur sujet.

Désinformation en réseau

 

Le scandale Cambridge Analytica, dans lequel Facebook a admis que les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs ont été exploitées sans leur consentement par la société britannique, est venu s’ajouter à la critique qui mine la réputation de l’entreprise : sa propension à laisser circuler, voire à valoriser sur son « fil d’actualité » quantité d’informations fausses de A à Z.

Le 3 juillet, Facebook a admis qu’il faisait face à de multiples demandes des régulateurs américain et britannique dans la foulée du scandale Cambridge Analytica.Son patron, Mark Zuckerberg, avait été entendu un peu plus tôt par le Congrès américain et le Parlement européen.

Les mensonges et la falsification semblent même renforcer la réputation et l’influence parmi les partisans de ceux qui en font usage

Pour montrer sa disposition à changer, le géant américain a notamment accentué en 2018 une offensive autant communicationnelle que technique entamée fin 2016, en signant avec plus de 25 médias dans 15 pays comme l’Argentine, les États-Unis, la France ou l’Indonésie.

Objectif : que ces médias reconnus « évaluent la justesse des articles » circulant sur Facebook et, éventuellement, les signalent à l’entreprise, qui ensuite dit pouvoir « réduire la distribution [de ces] articles […] de 80 % en moyenne » s’ils sont jugés faux.

Autre géant engagé à talonner les relayeurs d’informations erronées, Google : l’entreprise a annoncé en mars une série de projets destinés à combattre la désinformation et à soutenir les médias jugés « crédibles », moyennant quelque 300 millions de dollars d’investissement sur trois ans.

Son moteur de recherche fait remonter les vérifications faites par les organismes de fact-checking.

 

Malgré les initiatives de vérification des faits qui se multiplient (149 dans le monde recensées par le Reporters Lab de la Duke University), malgré les premières mesures engagées par les géants de l’Internet, aux résultats encore faibles, la désinformation a toujours un coup d’avance.

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