«La radio commence un nouveau cycle», croit Caroline Jamet

Si Caroline Jamet, la nouvelle directrice générale de la radio de Radio-Canada, arrive en poste à un moment où ses parts d’écoute frôlent des niveaux records dans plusieurs créneaux sur les ondes FM, elle estime toutefois que le média « commence un nouveau cycle », stimulé par ces appareils qui se logent plus que jamais au creux de nos mains.
« Le numérique est rendu à la radio », lance Mme Jamet, qui est entrée en poste le 27 novembre et qui donnait au Devoir sa première entrevue.
« Ce qui est en train de se passer en ce moment, c’est qu’il y a des points de contact supplémentaires qu’on est en train de créer avec les auditeurs », dit-elle, installée dans son bureau fraîchement repeint du 12e étage de la grande tour du boulevard René-Lévesque. « Oui, notre radio est à l’antenne avec les ondes hertziennes, mais on a aussi une application qui nous permet d’être en contact avec des auditeurs à des moments où on ne pouvait pas le faire avant. »
Radio-Canada diffuse évidemment sur son site Web. Cela dit, Caroline Jamet souligne l’apport certain mais encore à développer des baladodiffusions, qu’il s’agisse des versions à télécharger des émissions en ondes ou de contenus numériques originaux.
« J’ai un ami dont le fils aime beaucoup le balado Aujourd’hui l’histoire. Il ne savait même pas que c’était une émission de radio, je trouvais ça formidable, raconte Mme Jamet. À la fin de la journée, c’est du bon contenu audio qui rejoint un auditeur, pour qui la porte d’entrée est son téléphone. »
Pour l’ancienne cadre à La Presse, le numérique ouvre la porte à des contenus originaux qu’il était difficile de produire avant. Les formes peuvent être plus flexibles, ce que ne permet pas une grille radio traditionnelle, dit-elle.
« La manière de s’adresser aux auditeurs est différente aussi », dit la d.g., évoquant le concept de storytelling. « C’est bien intéressant comme espace de création, le balado, c’est certain qu’on est en train de développer notre offre de ce côté-là. »
Nomination-surprise
La nomination en octobre dernier de Mme Jamet à la tête de la radio du diffuseur public avait été une surprise pour plusieurs, elle qui n’avait jamais oeuvré en radio au fil de sa déjà longue carrière.
Jusqu’à récemment, elle occupait le poste de direction aux communications de La Presse, en plus d’être présidente des Éditions La Presse depuis 2011. Avant d’oeuvrer au quotidien montréalais, elle a été vice-présidente aux communications chez Motion international — qui est devenu TVA international —, en plus d’avoir passé quelque 13 années chez Spectra, entre autres comme associée et vice-présidente aux communications.
« Je suis une amoureuse de la radio depuis toujours, précise-t-elle. Ma mère écoutait Radio-Canada, c’est ce que j’ai écouté dans mon enfance et c’est ce que j’ai continué à faire toute ma vie. J’ai une connaissance intime des émissions, mais aussi des artisans, des animateurs. »
Quand on pense à l’auditoire, les groupes d’âge, c’est une façon de voir ça, mais aujourd’hui il faut segmenter ça autrement. Ce n’est plus une question d’âge, mais une question d’intérêts.
Elle estime que l’amalgame de ses différentes expériences lui servira dans son nouveau poste. « Ça fait 25 ans que je suis dans l’industrie de la culture, dans l’industrie des contenus, dans le monde des médias, aussi. »
Pour revenir au monde numérique, celle qui a été recrutée par Radio-Canada estime d’ailleurs que ses dernières années à La Presse lui serviront, le quotidien papier ayant muté en média purement numérique. « J’ai fait partie de l’équipe de direction, j’ai été intimement liée à toutes les étapes de La Presse+, de la première journée jusqu’au moment où j’ai quitté mon poste. C’est un bagage qui est très précieux pour moi. »
Des défis
Caroline Jamet s’affairait cette semaine à rencontrer en petits groupes les employés de la radio, pour déterminer « les enjeux prioritaires pour les prochaines années » et pour discuter de l’environnement radiophonique et des défis à surmonter.
« Il faut demeurer pertinent, c’est le défi de tous les médias, et c’est notre travail tous les jours », croit la directrice générale. Elle estime aussi que Radio-Canada, comme diffuseur public, a la responsabilité d’éduquer son auditoire dans les mutations de son offre. « Quand on dit aux gens qu’ils sont capables de nous écouter d’autres manières, il faut aussi les accompagner là-dedans. »
Faut-il encore penser son auditoire cible en fonction de l’âge et du genre, comme le voulait le cliché de l’auditrice radio-canadienne dans la cinquantaine ?
« Quand on pense à l’auditoire, les groupes d’âge, c’est une façon de voir ça, mais aujourd’hui il faut segmenter ça autrement, dit Mme Jamet. Ce n’est plus une question d’âge, mais une question d’intérêts. »
Il y a par exemple, dans la même grille, Médium large, Les années lumière et La soirée est (encore) jeune. « On a un auditoire qui est acquis, mais on a toujours besoin de le renouveler. »
Serait-ce l’occasion d’offrir des micros à des animateurs plus jeunes, à une antenne où la relève a souvent autour de 40 ans ? À ce sujet, Caroline Jamet explique qu’elle ne voit pas ICI Musique comme un club-école et se dit satisfaite de l’équilibre de son alignement d’une quarantaine d’employés.
« Quand je regarde la palette, ce qui me frappe, c’est qu’on a un bon mélange d’animateurs avec de l’expérience et d’animateurs de la relève, on a des talents émergents. Quand je regarde Serge Bouchard, je constate que son expérience ouvre des perspectives que lui seul peut ouvrir. Et il y a aussi ce que l’impulsion des jeunes animateurs apporte. C’est un mélange intéressant, on est bien équipés pour les prochaines années. »