Télévision - Tranches de vie sur la Main

Jouons à un petit jeu: il s'agit de trouver le lien entre un promoteur immobilier qui roule à vélo, une dynamique religieuse de 71 ans, un immigrant du Ghana producteur de spectacles, un restaurateur qui tente d'enregistrer un disque de «rap spirituel» (?), une jeune serveuse qui rêve d'être actrice, un sans-abri de 50 ans, une jeune artiste-photographe et un vieux commerçant juif qui vend sa boutique morceau par morceau.

La réponse? Quiconque vit à Montréal doit bien se douter que ces huit personnes gravitent toutes autour du boulevard Saint-Laurent, une artère mythique qui attire les personnalités contrastées, qui est à la fois frontière, porte d'entrée, lieu de passage, d'installation, boulevard des rêves...

Boulevard Saint-Laurent, c'est aussi le troisième projet documentaire lancé par Radio-Canada dans ce nouvel esprit du «docu-feuilleton» qui a débuté il y a plus d'un an avec École de danse et qui s'est poursuivi avec Marché Jean-Talon.

La définition du docu-feuilleton est un peu floue. Le concept s'est développé en Grande-Bretagne; il s'agit d'un documentaire découpé en six épisodes, comme une série, où l'on suit de près la vie de quelques personnages et où le rythme et le découpage s'apparentent plus au téléroman qu'au documentaire traditionnel.

Ce Boulevard Saint-Laurent est signé de trois jeunes réalisateurs, le plus connu étant Philippe Falardeau (La Moitié gauche du frigo), appuyé par Stéphane Thibault et Isabelle Lavigne.

Il faut féliciter les trois réalisateurs de ne pas avoir cherché à faire revivre la Main des années chères à Michel Tremblay; on n'a pas choisi, par exemple, de suivre des travestis ou des petits mafieux. «Ce qui nous intéressait, explique Philippe Falardeau, c'était de nous interroger sur le Montréal d'aujourd'hui.»

Huit personnalités contrastées donc, dont l'étonnant Louis Pecker qui, à 78 ans, incarnait la dernière génération de juifs provenant de l'Europe de l'Est qui ont fait vivre cette artère montréalaise. Louis Pecker avait décidé, pendant le tournage, de fermer sa quincaillerie où rien n'avait changé depuis 1930, des images inoubliables captées par l'équipe de tournage (Louis Pecker est mort l'automne dernier).

Denis Robitaille, lui, représente plutôt la génération des nouveaux entrepreneurs, puisque ce promoteur immobilier de 45 ans est responsable du projet de transformation en condos de l'église Saint-Jean-de-la-Croix, située aux portes de la Petite Italie, au nord de Saint-Laurent.

On y rencontre également Tidiane Soumah, attachant immigrant africain qui passe sa vie au téléphone pour gérer à la fois les concerts du festival Nuits d'Afrique ainsi que les problèmes familiaux de ses 12 frères et soeurs restés en Guinée. Et ainsi de suite pour les autres personnages.

Le tournage a été effectué de juin 2002 à février 2003, et chaque réalisateur suivait deux ou trois personnages. Le résultat est sympathique, attachant, tendre, entrecoupé d'images d'archives de la rue d'il y a plusieurs décennies.

Le service des documentaires de Radio-Canada mettra à l'affiche cet été un autre projet similaire, Mon été au camping, un docu-feuilleton de six épisodes sur la vie dans les terrains de camping. Cinquième et dernier projet qui doit être présenté l'année prochaine: un documentaire sur une campagne de publicité (que Radio-Canada ne veut pas nommer pour le moment). La télévision publique doit ensuite décider si elle poursuivra le docu-feuilleton.

Boulevard Saint-Laurent, Radio-Canada, début mercredi 14 avril à 19h.

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