Jean Lamarre, président du conseil du «Devoir» et de Télé-Québec, s’éteint

Jean Lamarre assumait la présidence du conseil d’administration du «Devoir» depuis 2009. Il a annoncé en janvier 2016 la nomination de Brian Myles au poste de directeur.
L’homme d’affaires Jean Lamarre, un travailleur infatigable qui siégeait à plusieurs conseils d’administration et présidait ceux du Devoir et de Télé-Québec, est décédé mercredi à la suite d’une maladie foudroyante. Il avait 63 ans.
Fils de l’ingénieur Bernard Lamarre, pilier du groupe Lavalin et acteur de premier plan dans l’émergence du Québec Inc., Jean Lamarre était de ceux qui se nourrissent de l’engagement, ce qui pour lui était non seulement une marque de commerce mais un travail à temps plein.
« C’était un homme de conviction. Il prenait des causes sous son aile. Sans jamais réclamer les projecteurs ou la notoriété, il a été profondément important pour plusieurs institutions au Québec, à commencer par Le Devoir », a dit le directeur du journal, Brian Myles. « Ce qu’il disait le plus souvent, c’est “comment on peut faire pour s’aider ?” » S’aider dans une entreprise, dans un secteur d’activité, au Québec comme société. Et en ce sens-là, à sa façon, différente de celle de son père, il a été un grand bâtisseur. Son père a bâti des cathédrales de béton, des ouvrages. Jean Lamarre a bâti des relations, des réseaux, des interconnexions, bâti une relève pour plusieurs causes importantes au Québec. »
Parmi les autres conseils auxquels il se consacrait figurent notamment ceux de la Société du Patrimoine Angus, de la compagnie minière Semafo, en Afrique, de Therillia Development, de Technologies D-Box et du Centre d’entreprises et d’innovation de Montréal.
En janvier 2015, quand le magazine Les Affaires compile une liste des administrateurs les plus occupés au Québec, il termine au deuxième rang, devant Lucien Bouchard. Le magazine recense alors 12 conseils desquels il fait partie. De ce nombre, il en préside cinq, dont deux sont des sociétés inscrites en Bourse.
M. Lamarre était « un partenaire exemplaire », a dit Michèle Fortin, ex-p.-d.g. de Télé-Québec, qui l’a côtoyé pendant dix ans. « Disponible, généreux, intelligent, rationnel. […] Des fois, quand on gère une organisation, on a des problèmes, il faut valider des choses avec le président du conseil. Moi, mon président de conseil, il était au Bénin et il prenait mon appel. Il était toujours là. C’est un homme admirable, qu’on n’a pas assez reconnu, selon moi. »
Suivre l'exemple de son père
Titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires à HEC Montréal, M. Lamarre a amorcé sa carrière au sein de l’entreprise de son père durant son adolescence. Ce parcours l’a d’abord amené à travailler dans les activités canadiennes de l’entreprise, puis comme administrateur en Afrique. Il deviendra par la suite vice-président pour l’Europe, poste qu’il occupe de 1991 à 1992.
« Jean Lamarre, aujourd’hui âgé de 36 ans, est devenu une force importante au sein de la compagnie, où il travaille avec son père [Bernard, président et actionnaire majoritaire] et son oncle, Jacques, qui est aussi vice-président », écrit le Financial Post en 1990 dans un numéro spécial sur les « héritiers et successeurs » des grandes entreprises. « En conversation, il est sérieux et exact, citant dates et statistiques aussi précises que le coup de pinceau d’Alex Colville dans son Cyclist and Crow, le tableau accroché dans son bureau. Mais il peut aussi sourire tout grand et trembler de rire, ce qui s’estompe lorsqu’il parle de la stature de Lavalin. »
En 1993, il se retrouve chez Canam-Manac, où il sera vice-président aux affaires internationales et aux grands projets jusqu’en 1995. Depuis ce temps, il présidait aux destinées de sa propre firme, Lamarre Consultants, spécialisée en conseil et en financement de projets.
En 1998, il se lance en politique municipale comme candidat vedette pour Équipe Montréal, de Jean Doré, dans le district Peter-McGill au centre-ville de Montréal. Les médias voient en lui « la caution de Jean Doré auprès du monde des affaires ». M. Doré, qui sera défait par Pierre Bourque, lui avait d’ailleurs promis la présidence du comité exécutif. M. Lamarre connaîtra lui aussi la défaite, aux mains de Gerry Weiner, ex-ministre fédéral dans le gouvernement Mulroney.
Jean Lamarre était président du conseil du Devoir depuis 2009, à une époque où le journal était dirigé par Bernard Descôteaux. « Malgré les difficultés quotidiennes auxquelles nous étions confrontés, il a su nous amener à nous préoccuper de demain et de la pérennité de l’institution qu’est Le Devoir. À regarder au-delà de l’immédiat et à préparer l’avenir dans une perspective de changement, cela toujours avec le doigté, l’intelligence et la discrétion qui le caractérisent », a raconté M. Descôteaux. « Il croyait profondément en l’avenir de ce journal auquel il s’est consacré sans compter. Sans lui, Le Devoir ne serait pas là où il est aujourd’hui. » Au sommet de son engagement, il présidait plus de vingt conseils d’administration.
Il laisse dans le deuil sa conjointe, Diane Fugère, et leurs enfants, Catherine et David. Le décès de M. Lamarre survient à peine un an et demi après celui de son père, Bernard, décédé à l’âge de 84 ans.
Lorsque son père a rendu l’âme, M. Lamarre avait évoqué son engagement. Il suivait ses traces. « Mon père est certainement un modèle, donc je le suis », avait-il d’ailleurs affirmé au Devoir en 2010. « Ç’a toujours été naturel pour moi de m’engager. »