Le «Huffington Post Québec» fête ses cinq ans

Depuis 2014, le Huffington Post Québec a pris le virage de la vidéo et deux vidéojournalistes ont été embauchés.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Depuis 2014, le Huffington Post Québec a pris le virage de la vidéo et deux vidéojournalistes ont été embauchés.

Née deux petites semaines avant le début du Printemps érable, la version québécoise du réseau Huffington Post, fondé en 2005 par l’Américaine Ariana Huffington, soufflait cette semaine ses cinq premières bougies. Le chemin parcouru est digne de mention. Avec une rédaction fraîchement déménagée et passée de 6 à 15 employés — sans compter les pigistes —, le site rejoint en moyenne 1,3 million de visiteurs uniques par mois grâce à une vision de l’information divisée en trois volets égaux : les blogues, les nouvelles générales et l’info légère. Discussion avec l’éditeur et rédacteur en chef du « Huff Post » de chez nous, Patrick White.

Vous avez été propulsé par l’euphorie autour de la grève étudiante de 2012, mais est-ce qu’il a été difficile de vous implanter dans le décor médiatique ?

En cinq ans, on a établi notre nom, notre marque, notre crédibilité. Les sondages qu’on a menés montrent que 80 % des gens nous connaissent. Au début, c’était très faible, il y avait toute la question du nom en anglais, les gens pensaient que c’était le Washington Post, le Huntingdon Post, les gens avaient beaucoup de difficultés à le prononcer.

A posteriori, est-ce que l’idée de lancer un volet québécois du Huffington Post était audacieuse ?

Non, je savais que ça allait marcher parce que le Huffington Post était une marque reconnue, en raison de la campagne électorale qu’avait menée Ariana Huffington contre Arnold Schwarzenegger. Elle avait lancé le « Huff » en 2005, c’était déjà rendu à 100 millions de visiteurs uniques par mois. Et ici, c’est fait par des Québécois, pour des Québécois, et c’est comme ça depuis le début. Ç’a beaucoup aidé à accélérer l’expansion.

Le fait que des articles sur des vedettes un peu dénudées côtoient des infos politiques sérieuses ne cause pas de confusion ?

Photo: Facebook Patrick White

Le ratio est le même depuis le début : c’est un tiers de blogues d’opinions, un tiers des nouvelles du jour, et un tiers de ce qui est plus léger — le divertissement, les vidéos virales, le contenu insolite. C’est une question d’équilibre, on reste un média grand public. Oui, les sections « Art de vivre » et « Style » — qu’on va bientôt fusionner —, c’est un gros rendez-vous. La couverture politique aussi, c’est un gros morceau. On veut continuer de renforcer le rôle de notre média, continuer à faire des grands reportages, des dossiers. Ça prend du contenu original.

Et chez vous, c’est par la vidéo que les choses se passent ?

Depuis 2014 on a pris ce virage-là, et ça a porté ses fruits. On a embauché deux vidéojournalistes, et on a commencé à faire des vidéos 360 degrés également.

Vous engagez surtout des jeunes pour faire ces tâches ?

En fait, l’expérience est super importante. Il faut être multitâches, comprendre la vidéo, les médias sociaux, être à l’aise avec Facebook Live, faire du montage de base. Le travail de journaliste a changé. Mais en même temps, il n’y a rien qui change, ça te prend encore deux sources avant de publier. Mais il faut creuser des histoires, continuer de faire des demandes d’accès à l’information, continuer à faire de la meilleure vidéo, plus de vidéos.

Vous reprenez parfois du contenu des autres médias sur vos plateformes, toujours en les citant et en renvoyant à leur travail. Est-ce que ça peut être un couteau à double tranchant ?

Ce matin même, en réunion avec les employés, on évoquait cette idée d’avoir peut-être moins de contenu, mais plus de contenu à nous. Cela dit, c’est vrai qu’on a un rôle d’agrégateur, on fait ça depuis le début, et ça fonctionne bien. C’est un peu l’anti-modèle. On nous permet de retweeter les concurrents, même de publier leurs articles sur notre page Facebook. Il n’y a pas beaucoup de gens qui font ça. Et sur Facebook, il y a un impact très favorable sur l’algorithme, parce que ça amène une diversité des contenus, et ça aide notre portée.

C’est par Facebook que tout se passe pour vous ?

Le gros du trafic vient de Facebook, c’est 54,55 % des entrées sur le site en ce moment. Et le trafic sur les téléphones mobiles, c’est 60 % la semaine, et 75 % la fin de semaine. On a déjà une entente partage de revenus avec Facebook depuis un an, et ça fonctionne très bien.

Plusieurs médias traditionnels demandent l’aide de l’État pour survivre. Vous en pensez quoi ?

Je pense que ça pourrait être approprié pour les hebdos ou les petits quotidiens comme Le Devoir, qui ont moins de moyens. Mais j’ai l’impression que ça va se faire à petite échelle. Tant mieux si on peut aider les petits médias à prospérer, et même arriver à créer d’autres médias alternatifs comme Vice, Ricochet et compagnie. On a besoin de plus de diversité au Québec.

Le Huffington Post a été racheté par AOL, qui elle a été rachetée par Verizon. Et le réseau du « Huff » va passer de 17 à près de 50 éditions différentes dans le monde. L’avenir est vert, donc ?

C’est un réseau mondial. Il y a de plus en plus de collaborations avec les composantes francophones dans le monde, Tunisie, Maroc, Algérie, France et Québec. Globalement, on est en train de devenir une espèce d’agence de presse avec un pool interne de photos, de textes et de vidéos. Aussi, Ariana Huffington est partie cet automne, elle a été remplacée par une ancienne cadre du New York Times, qui est entrée en poste le 9 janvier. Elle va avoir son mot à dire dans les mois à venir, on va en savoir plus sur la stratégie pour l’avenir.



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