Radio-Canada crée un labo jeunesse

L’initiative a été dévoilée par le président du diffuseur public, Hubert T. Lacroix.
Radio-Canada/CBC est en train de créer une salle de nouvelles parallèle spécialement dédiée à la production d’information pour et par les membres de la génération Y, dits « millennials ».
Ce labo jeunesse est baptisé Prochaine génération/Next génération. Il rassemblera entre 15 et 20 « créateurs de contenus » dont les premières productions seront diffusées sur différentes plateformes radiocanadiennes au début de l’an prochain.
L’initiative a été dévoilée jeudi matin par le président du diffuseur public, Hubert T. Lacroix, en ouverture de la conférence annuelle par Public Broadcasters International (PBI). Il s’agit de la 25e réunion annuelle du genre. Les rencontres passent de ville en ville dans le monde. Les quelque 150 participants montréalais venus d’une douzaine de pays débattront pendant deux jours.
La conférence PBI Montréal 2016 se fait autour du thème « Conquérir le futur ». Toutes les interventions traitent des moyens d’attirer et de satisfaire les nouvelles générations, particulièrement celle née avec le Web et devenue adulte au tournant du millénaire. Le problème du renouveau des publics taraude tous les médias présents. En général, ces médias ont pour mandat de rejoindre tous les groupes d’âge, des enfants qui ne fréquentent pas encore l’école jusqu’aux retraités.
Demain, la veille
C’est dans ce contexte que s’inscrit la création du laboratoire jeunesse du diffuseur public canadien. Le laboratoire va offrir des moyens multidisciplinaires à de jeunes producteurs de contenu en affaires publiques. Cet espace devrait permettre de « diversifier les voix » tout en s’inspirant des traditions journalistiques, promet la direction.
De 15 à 20 jeunes vont constituer cette salle d’information parallèle et complémentaire en formation. Le recrutement commence.
Les nouveaux employés du Centre de l’information de Montréal travailleront sous la direction de Michel Cormier, grand patron du service d’information en français de RC.
« Ce laboratoire est un espace de création pour définir le journalisme de demain, explique au Devoir M. Cormier, rencontré sur place. On y retrouvera la prochaine génération avec ses outils, ses priorités, mais dans le cadre des valeurs du service public. Cet espace va permettre de tester de nouvelles formes journalistiques. On ne sait pas si ça va devenir une plateforme ou une application séparée. Tout n’est pas encore déterminé, mais c’est sûr que le contenu sera offert au monde entier. »
Les premiers essais devraient être diffusés au début de 2017. Sous quelles formes ? À l’aide de quelles plateformes ? Ce sera à l’équipe du labo de le décider, dit le directeur général des médias numériques de RC, Maxime St-Pierre, en proposant le modèle d’une start-up.
« Nous sommes dans un processus de créativité, dit-il. On pense avoir besoin de 15 à 20 personnes, mais les équipes pourraient grossir. Rien n’est figé. »
Les laborantins vont travailler dans leur propre espace pour en quelque sorte « protéger » les jeunes des vieilles habitudes. L’équipe réunira des reporters, mais aussi des designers et des spécialistes des nouveaux médias. La supervision éditoriale et technologique se fera par l’équipe traditionnelle du Centre de l’information.
« Les jeunes vont créer les nouveaux formats du journalisme d’intérêt public, assure le directeur Cormier. On sait que les jeunes ont une grande préoccupation éthique. On pense que leurs valeurs vont émerger et on ne veut pas faire des choix à leur place. »
Une suite logique
Le labo jeunesse ne remplace pas le défunt projet 450 Rive-Nord/Rive-Sud — qui a permis au début à Radio-Canada de couvrir la périphérie métropolitaine de Montréal à l’aide de jeunes journalistes formés au multimédia —, mais s’inscrit tout de même dans sa foulée. Ce banc d’essai a été abandonné il y a deux ans à la suite de compressions budgétaires.
Les fonds reviennent. Le nouveau gouvernement libéral va transférer 650 millions sur cinq ans à son diffuseur, notamment pour favoriser le virage numérique.
« Honnêtement, je pense que si nous n’avions pas eu 450, les émissions comme Enquête ou Découverte, La facture ou L’épicerie ne vivraient pas sur le numérique comme elles y sont aujourd’hui », dit Sylvain Schreiber, qui avait conçu le projet précédent et qui pilote maintenant le nouveau.
Cela dit, son collègue St-Pierre ajoute toutefois qu’« établir un modèle au départ irait à l’encontre de l’esprit des millennials qui vont développer leur propre manière de faire dans leur laboratoire. »
Cette innovation ne néglige pas non plus les bonnes vieilles formes et plateformes, assure le directeur Cormier, même si à la longue, elles pourront elles aussi profiter de la recherche et développement.
« Nous n’arrêtons pas de faire de la radio ou de la télé, dit-il. Nous avons encore un gros public là. L’idée c’est d’assurer la transition et de s’assurer qu’on accroche les jeunes de 20 ou 22 ans. »
Connaissez-vous Wattpad ?
Wattpad a été créée en 2006 à Toronto. Dix ans plus tard, la plateforme de partage de texte en tous genres (récits, romans, poèmes, fanfictions, articles, essais, etc.) est la plus populaire du monde, avec quelque 45 millions d’usagers chaque mois. Elle revendique plus de 300 millions de téléchargements de textes. C’est le YouTube des écrivains qui vient d’être désigné par Comcast comme une des dix plateformes les plus populaires au monde pour rejoindre la génération Y.La compagnie a lancé le Wattpad Studio ce printemps. La succursale va aider à tirer des produits dérivés des textes en ligne, en accouchant de séries télé, de films, de jeux vidéo, mais aussi tout simplement de bons vieux livres imprimés.
« Aux Philippines, nous sommes une marque très connue, explique Ashleigh Gardner, chef des partenariats du Wattpad Studio, présente à PBI Montréal 2016. Les gens nous utilisent autant que Facebook. Nous participons à des émissions de télé, nous avons produit plusieurs films. »