L’info selon Facebook

Le fondateur du réseau social Facebook, Mark Zuckerberg
Photo: TechCrunch Le fondateur du réseau social Facebook, Mark Zuckerberg

Tremblez, médias, Facebook vous concurrencera. Encore plus… Le fondateur du réseau social, Mark Zuckerberg, vient d’annoncer son intention d’offrir « le parfait journal personnalisé pour chaque personne dans le monde ».

Le site compte plus d’un milliard d’usagers. Il sert déjà à diffuser beaucoup d’informations en provenance des médias, neufs ou vieux. Environ un tiers des informations consultées sur Internet le sont par l’intermédiaire de liens fournis par les réseaux sociaux, y compris Facebook.

Le plan de « Journal Facebook » annoncé dans un forum professionnel au début du mois et publicisé cette semaine vise la modulation du fil d’actualité en fonction des intérêts de chacun des usagers.

Cette perspective de la nouvelle à la carte risque d’ébranler encore plus le modèle traditionnel déjà transformé profondément par la dématérialisation, la gratuité, la mobilité et l’interactivité.

La pratique tricentenaire des médias d’information repose sur l’idée de constituer une sorte d’encyclopédie quotidienne du monde. Les journalistes sélectionnent les nouvelles en fonction de divers critères, professionnels ou idéologiques.

Le rédacteur en chef qui compte

 

Le modèle visé par Facebook s’appuie sur des algorithmes. Le choix éditorial dépend alors des intérêts de chacun transformés en données manipulées par un algorithme, soit une suite d’opérations ou d’instructions pour résoudre un problème.

« La culture algorithmique pose de sérieuses questions, explique Josée Plamondon, bibliothéconome et analyste de l’exploitation des contenus numériques. Il y a une médiation dans la circulation de l’information. Un intermédiaire s’occupe du tri. Quand un algorithme fait ce travail, on perd la capacité de découverte. La découverte vient de ce qu’on ne cherche pas mais qui permet justement les surprises et l’ouverture. Avec les algorithmes, on peut mettre une croix sur cet aspect. Ces systèmes tendent à nous conforter dans notre propre représentation du monde. »

Elle souligne d’ailleurs que, dans les interactions sur les réseaux sociaux, les « bulles » antinomiques se croisent finalement très peu. De même, dans la sélection personnalisée des informations, chacun se retrouvera enfermé dans sa sphère, conforté dans sa vision stimulée par les sources atomisées du réseau.

Cette grande mutation ne sera pas non plus sans effets sociopolitiques. « Ça ne fait pas de communauté tout ça, poursuit Mme Plamondon. Que partage-t-on en commun dans un tel univers ? Que devient la société ? J’ai posé la même question dans les débats sur la ville intelligente. Comment fait-on pour avoir une vision partagée de la ville si chacun et chacun des groupes se complaisent dans sa perspective compartimentée ? Les multiples visions et cohésions ne forment plus de tout. »

En plus, il ne faut pas se leurrer, il est surtout question de vendre et de faire vendre. « La compartimentation cache des objectifs marchands, dit encore la spécialiste des nouveaux modes de communication et d’information. La personnalisation vise d’abord à faire vendre de la publicité. Les vrais clients, ce sont les annonceurs. Plus le flux sera personnalisé, plus les données sur les utilisateurs seront enrichies au profit des annonceurs. Ce n’est pas mauvais, mais il faut bien être conscient que le but de Facebook, ce n’est pas d’informer les gens. »

Ce contrôle des réseaux sociaux Facebook et Twitter comme la surpuissance du moteur de recherche signalent en fin de compte une immense et titanesque concentration médiatique. « On nous dit que les usages sont géolocalisés, qu’on va s’adapter au contexte, à la langue, il reste que les algorithmes sont pensés en Amérique du Nord, pour le monde entier. Bientôt, on aura donc la vision de l’information selon Facebook. »

 

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