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Après 31 ans, Guy Vignola va perdre son poste au service des sports de Radio-Canada. Le service des sports subit les plus grandes pertes avec la disparition de 55 de ses 75 postes.
Photo: - Archives Le Devoir Après 31 ans, Guy Vignola va perdre son poste au service des sports de Radio-Canada. Le service des sports subit les plus grandes pertes avec la disparition de 55 de ses 75 postes.
La grande faucheuse de budgets, de postes et de services passe à nouveau chez le diffuseur public. Radio-Canada/CBC a annoncé jeudi qu’il lui faut procéder à des compressions dépassant les 130 millions de dollars et supprimer 657 postes.

À lui seul, le service français (RC) assume la disparition de 312 « emplois en équivalent temps plein » travaillés pour des coupes de 42 millions de dollars. Les suppressions se feront sur deux ans, à compter de la fin du mois. Environ 230 postes disparaîtront dès cette année au Québec, dont les trois quarts à Montréal.

Les répercussions se feront sentir partout, sur toutes les plateformes, dans toutes les grilles de programmation, à la radio comme à la télé. La direction annonce son intention de « protéger les succès » et de « mettre fin à certaines émissions ». En gros, il s’agira de diminuer la programmation du jour pour protéger la diffusion des soirées. On sait déjà que l’émission matinale Alors on jase ne reviendra pas.

Le service des sports subit les plus grands effets avec la disparition de 55 de ses 75 postes. Les bulletins sportifs de fin de soirée n’existeront plus bientôt. Les engagements de diffusion seront cependant respectés pour les grands rendez-vous mondiaux, les prochains Jeux olympiques d’été à Rio (2016) comme la Coupe du monde de soccer de cet été au Brésil.

Par contre, il n’y aura pas de publicité sur les premières chaînes en anglais ou en français.

La direction a dévoilé ses intentions à ses employés réunis en assemblée générale à Montréal et Toronto et en vidéoconférence. Les salles affichaient des têtes d’enterrement.

« Nous sommes rendus à l’heure des choix, a averti Hubert T. Lacroix, le président-directeur général de la société fédérale. L’exercice de 2014-2015 est loin d’être le seul défi financier auquel nous faisons face. »

CBC doit composer avec la disparition annoncée de la diffusion de la plupart des matchs de la Ligue nationale de hockey. Les droits ont été cédés à des réseaux privés. En plus, le rendement du diffuseur anglophone ne cesse de décevoir, surtout auprès des 25-54 ans, plombant du coup les rendements publicitaires. Les revenus publicitaires sont aussi beaucoup moins élevés que prévu sur les chaînes musicales.

Radio-Canada/CBC subit des compressions constantes de l’enveloppe budgétaire que lui alloue le gouvernement depuis environ deux décennies. En 2012, 650 postes et 115 millions avaient déjà été abolis. Le service des sports a été démantelé une première fois au début du siècle.

« Le jour de la marmotte »

« C’est le jour de la marmotte », dit Alex Levasseur, le président du Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC), qui perd 90 personnes de son unité avec les nouvelles mesures. « Ça fait trois fois, comme président du SCRC, que je vis une journée semblable. Malheureusement, je ne crois pas que ce sera la dernière. »

Au terme de la nouvelle ponction, il restera environ 7750 employés dans la Société, soit 3200 à Radio-Canada, 3500 à CBC et quelque 850 dans la structure corporative. En 2014-2015, au terme de la nouvelle saignée, les revenus totaux de l’entreprise d’État, subventions et sources autonomes publicitaires comprises, devraient osciller autour de 1,5 milliard.

Moins de 10 % des postes syndiqués disparaîtront dans les prochains mois. Chez les cadres, la saignée serait de 13 %, une proportion équivalente à leur représentation au sein de l’organigramme de la société.

Par contre, les cadres vont continuer à se partager des primes de 8 millions. Le président, Hubert T. Lacroix, ajoute que le « régime incitatif » sera conditionnel à l’atteinte des objectifs. En clair, les patrons auront leurs surplus s’ils équilibrent les budgets en jouant de la cognée.

La direction assure que la grande purge se fait avec une longue perspective en tête, afin de préparer la survie et la redéfinition du diffuseur public d’ici 2020. Le diffuseur établit un plan stratégique visant à préserver ou à développer la « programmation canadienne distinctive aux heures de grande écoute », l’importance des régions et le numérique.

Est-ce seulement la fin des coupes ? « L’environnement change, répond Hubert T. Lacroix. Il y aura des changements. Est-ce que ça aura des impacts sur nos services ? La réponse, c’est oui. Mais il faut aussi s’assurer de ne pas toujours se retrouver dans l’exercice d’équilibrer le budget annuel. »

Le président du SCRC craint le pire. « C’est la chronique d’une mort annoncée, dit M. Levasseur. C’est la faillite d’un système aussi. Il va y avoir d’autres coupes de service et des secteurs complets de la couverture vont disparaître. D’ici peu, Radio-Canada/CBC devra retourner devant le CRTC [le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes] parce qu’il ne respectera plus les engagements fondamentaux de sa licence. »

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