Russie - Les déboires de Poutine sur Internet

Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, n'a jamais caché son peu d'attirance pour Internet, lui qui confia un jour n'avoir jamais envoyé un seul courriel de sa vie. Confronté depuis peu à une contestation sans précédent d'une partie de l'électorat, les jeunes internautes notamment, le «leader national», candidat à un troisième mandat au Kremlin, a lancé jeudi dernier son propre site (www.putin2012.ru) en vue de la présidentielle du 4 mars prochain.
Mis en ligne le matin du 12 janvier, le site comporte le programme du candidat jusqu'en 2018. Et là, surprise, un nouveau Poutine émerge, décidé à renoncer «à une répression excessive», car «cette tendance déforme notre société et la rend moralement malsaine».Résolument novateur, le site propose une rubrique «Ensemble nous changerons la Russie!». Y figurent également un portfolio plus personnel où Vladimir Vladimirovitch est représenté jouant au hockey ou encore en tenue de judo, ainsi qu'une biographie avec photos de famille.
Les choses se gâtent
Ouverture oblige, un onglet interactif a été créé, intitulé «propositions des électeurs». Or, c'est là que les choses ont commencé à se gâter. Trois heures après l'ouverture du site, cette rubrique regorgeait de propositions enjoignant à M. Poutine de... démissionner.
En tête de liste venait l'appel de Svetlana Sorokina: «Je vous demande de démissionner. Ne poussez pas le pays à la révolution, quittez votre poste de premier ministre et renoncez à votre candidature à la présidentielle.» Et la proposition d'Arkadi Vichnev: «Retirez votre candidature à la présidentielle. C'est la meilleure chose à faire. Votre façon de diriger le pays ne permet pas son développement, elle ne fait que favoriser la stabilité de la stagnation dans la corruption.»
«S'il vous plaît, quittez la politique. On comprend que le pouvoir est une drogue, mais y renoncer serait digne», conseillait Andreï Antonenko.
«Je suis fatigué de vous, je vous ai supporté pendant douze ans, c'est lassant. Si vous revenez, la plupart de mes amis vont quitter la Russie. [...] Partez avant qu'il ne soit trop tard!», enjoignait Mikhaïl Mechkov.
Disparus
À 14h12, les commentaires négatifs avaient disparu, remplacés par d'autres, plus politiquement corrects. Toujours à l'affût, les internautes ont diffusé un panorama du site avant le toilettage et après. Parmi les nouvelles propositions: faire cesser le financement des ONG russes par «l'étranger».
Car la tendance est de voir des «saboteurs» partout. Dans un entretien donné récemment au quotidien Kommersant, Nikolaï Patrouchev, le chef du Conseil de sécurité, affirmait que les réseaux sociaux russes étaient «utilisés depuis l'étranger» contre le pouvoir, tout comme lors des révolutions arabes. Enfin, le procureur Iouri Tchaïka, ardent critique des manifestations de l'opposition, a assuré pour sa part que «l'argent pour tout cela provient en partie de sources basées à l'extérieur de la Russie».
Et voilà que le chef de l'agence spatiale russe Roskosmos, le général Vladimir Popovkine, s'y est mis lui aussi, expliquant aux Izvestia, mardi dernier, qu'un «sabotage étranger» était sans doute à l'origine des échecs successifs de l'aérospatiale russe, notamment la chute de la sonde Phobos attendue quelque part sur Terre... hier.