Décision de la Cour d'appel fédérale - Radio-Canada doit obéir à la commissaire à l'information

Ottawa — La bataille menée par la Société Radio-Canada jusqu'en Cour d'appel fédérale pour défendre le fait qu'elle puisse garder secrets certains documents internes se sera faite en vain. Le tribunal lui a finalement donné tort.

La Cour fédérale d'appel a statué, hier, que la commissaire à l'information avait le droit d'exiger de voir des documents réclamés au diffuseur public en vertu de demandes d'accès à l'information afin de les réviser. Cette décision unanime est venue confirmer le premier jugement de la Cour fédérale, que Radio-Canada avait porté en appel.

Si la société d'État arguait que seul un juge peut consulter des documents afin de déterminer s'ils sont bel et biens exemptés de la Loi sur l'accès à l'information — en vertu d'un article qui la dispense de l'obligation de divulguer du matériel relatif à ses activités journalistiques, à la création artistique et à la programmation —, la Cour elle a fait valoir une deuxième fois que c'était à la commissaire à l'information que revenait ce pouvoir. «De par sa rédaction, les catégories de renseignements visées à l'article 68.1 ne peuvent échapper à un examen indépendant de la commissaire», reprend la Cour d'appel fédérale en citant le premier jugement. D'autant plus que comme les enquêtes de la commissaire sont confidentielles, lui fournir les documents ne signifie pas qu'ils seront divulgués publiquement, réitère par ailleurs le tribunal.

Une «bonne décision», selon la commissaire Suzanne Legault, qui s'est réjouie que la Cour lui donne gain de cause et qu'elle impose en outre à Radio-Canada de se justifier, à l'avenir, quand elle aura recours à son exemption.

Toute cette saga a commencé il y a quelques années, alors que le diffuseur public a reçu plusieurs demandes d'information, notamment de la part d'un avocat représentant Quebecor et portant sur les salaires d'employés, les cachets versés à des collaborateurs ou les budgets de certaines émissions. Faute de réponse, l'empire médiatique a porté plainte à la commissaire, tout comme d'autres, et celle-ci a été en cour pour forcer la société d'État à obtempérer aux demandes qui lui sont formulées.

Protection des sources journalistiques

Radio-Canada plaidait devoir protéger ses intérêts commerciaux, de même que ses sources journalistiques.

Malgré le fait qu'elle ait été déboutée, la société a justement plaidé avoir obtenu gain de cause quant à cette seconde préoccupation. «Nous sommes heureux de constater que la Cour a déclaré que l'exclusion visant les sources journalistiques est absolue et que ce type de renseignement échappe au pouvoir d'examen de la commissaire», a réagi la SRC dans une brève déclaration, sans préciser si elle songeait à porter de nouveau la décision en appel.

Cette lutte s'est transportée jusqu'au Parlement, cet automne, les conservateurs adoptant dernièrement à eux seuls une motion pour obliger le diffuseur public à fournir à un comité parlementaire certains documents refusés en réponse à des demandes de la Fédération des contribuables canadiens ainsi que de Quebecor. Les partis d'opposition avaient refusé d'endosser cette requête. Après les témoignages de Quebecor et de Mme Legault, ce sera justement au tour du président de Radio-Canada, Hubert Lacroix, de comparaître devant le comité ce matin.

Le député conservateur qui mène ce dossier n'a pas souhaité commenter le jugement, hier, mais le ministre du Patrimoine a dit s'attendre à ce que Radio-Canada respecte le jugement.

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