Accusation de Dominique Strauss-Kahn - Le bouche à oreille d'abord, Twitter ensuite

C'est le plus vieux média qui a d'abord été actionné. La rumeur initiale concernant l'interpellation du Français Dominique Strauss-Kahn (surnommé DSK) à New York a circulé de manière on ne peut plus traditionnelle, de bouche à oreille.
Un employé travaillant à l'hôtel Sofitel, où aurait eu lieu l'agression sexuelle, en a parlé à un ami qui a raconté l'histoire à «un Canadien français» travaillant à New York. Lui-même l'a relayé au Français Jonathan Pinet. M. Pinet a tweeté l'histoire une minute avant 17h, samedi.«Un pote aux États-Unis vient de me rapporter que #DSK aurait été arrêté par la police dans un hôtel à NYC il y a une heure», a gazouillé l'étudiant de Science Po, à Paris. Le scoop mondial lui revient.
Il a fallu deux heures de plus aux sites des médias traditionnels pour s'emparer de la sulfureuse histoire et pour la corriger en expliquant qu'en vérité DSK avait été interpellé dans l'avion devant le transporter à Paris. Le New York Post revendique le premier article en ligne sur le sujet, suivi en français par le site Rue 89. M. Strauss-Kahn est pressenti comme candidat socialiste à la prochaine élection présidentielle française.
Une histoire extraordinaire appelle toujours une couverture hors du commun. L'inculpation pour agression sexuelle et tentative de viol du numéro un du Fonds monétaire international, basé à Washington, a fait s'activer les médias, neufs et vieux, dans tous les sens, y compris pour agiter des théories du complot. «Tout ceci est invraisemblable et exhale l'odeur nauséabonde du "coup fourré"», écrivait hier un abonné du Monde. Les plus paranoïaques s'interrogent même sur la responsabilité supputée du propriétaire de la chaîne Sofitel, le groupe Accor.
Le fait que M. Pinet soit militant de l'organisation Jeunes populaires, une section de l'UMP, la formation du président Sarkozy, rival des socialistes, fait s'échauffer les esprits comploteurs. Ils imaginent les sarkozistes en manipulateurs de pièges.
Certaines réactions des deux côtés de l'Atlantique témoignent de visions bien différentes de l'affaire. En France, les commentaires vont de la stupeur à la sympathie en passant par la honte, jusqu'à une certaine forme de mépris affiché pour ce qui serait une nouvelle manifestation du «puritanisme», de l'«hypocrisie» et du «rigorisme protestant» à l'américaine, selon le blogue du député socialiste européen Gilles Savary.
«Je ne sais pas si DSK a été victime d'une provocation ou de ses désirs, mais je ne suis pas certain qu'il ait une bonne connaissance de la vie américaine», écrivait hier le Français Yves Michaud sur son blogue du journal Libération sous le titre Érections présidentielles. «Il aurait dû savoir que chercher à embrasser de force une femme est aux USA une agression sexuelle — chez nous aussi, mais avec un taux d'acceptation ironique nettement plus élevé. Il aurait dû savoir que si l'on met le verrou, c'est une séquestration et que proposer une fellation en l'assortissant de débuts de réalisation, c'est une tentative de viol, alors que chez nous cela s'appelle demander une "gâterie".»
La victime présumée, une femme de chambre, affirme avoir subi deux attaques de M. Strauss-Kahn avant de réussir à fuir la suite luxueuse pour alerter ses collègues.
«Quel idiot partial et mal informé», a répliqué une lectrice du New York Times sur le site du journal, en parlant de M. Savary. Honte à vous!» Bien d'autres s'offusquent d'apparentes banalisations par certains Français d'une histoire concernant un viol, tout en ajoutant que DSK demeure innocent jusqu'à preuve du contraire.