Que faire de RueFrontenac?

La signature de l'entente de principe entre les syndiqués et le patron du Journal de Montréal aura de profondes répercussions sur le média syndical RueFrontenac, né comme moyen de pression pendant le conflit. Une des hypothèses les plus développées envisage de le transformer en coopérative financée à même les indemnités de cessation d'emploi des licenciés.

La proposition de convention collective négociée devant un médiateur a été adoptée à 64,1 % samedi soir. L'entente, dont plusieurs détails restent en suspens, maintient à peu près un poste sur quatre en prévoyant le retour au travail d'une soixantaine d'employés. Elle verse des indemnités de cessation d'emploi aux licenciés et permet la survie de RueFrontenac.

Pour l'instant, le site Internet et sa version papier hebdomadaire appartiennent au syndicat. Dans quelques jours ou quelques semaines, quand la nouvelle convention collective sera formellement adoptée, ce média devra avoir trouvé un nouveau propriétaire. Une des hypothèses les plus discutées par un comité de transition concerne la mise en place d'une coopérative. L'injection de fonds par des partenaires financiers n'est toutefois pas exclue.

«La coopérative est une des options, et c'est même une des options proéminentes», confirme le journaliste Jean-François Codère, un des cinq membres du comité de transition qui cherche des solutions pour maintenir à flot cette bouée de sauvetage professionnelle. «Nous nous consacrons à ce travail à temps plein et, si des [investisseurs] sont intéressés, nous allons les accueillir à bras ouverts. On a tendu des perches.»

Au déclenchement du lock-out, le 24 janvier 2009, le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal comptait plus de 250 membres. Il en reste environ 230. Une soixantaine pourraient retourner au Journal de Montréal. Les 170 restants ne pourront ou ne voudront pas intégrer RueFrontenac qui devra donc, de l'aveu de M. Codère, définir une mécanique d'admission. Ce plan de sauvetage pourrait impliquer le transfert d'une partie des indemnités de cessation d'emploi à la coopérative. Les licenciés vont se partager autour de 20 millions de dollars.

«L'argent pourrait venir des membres et de leurs primes de séparation, dit le journaliste qui tient un blogue sur le site. Ça fait partie des tâches du comité de définir le modèle d'affaires. Mais il n'y a rien d'arrêté en ce moment.»

Quebecor avait d'autres plans pour ce gênant concurrent. En octobre, une première proposition de règlement exigeait la fermeture pure et simple de RueFrontenac et de tous ses dérivés. Cette intransigeance avait en partie expliqué le rejet de la proposition, à 89,3 %.

La proposition patronale suivante, discutée en assemblée générale samedi, demandait plutôt à RueFrontenac de ne plus se présenter comme un média fondé par d'ex-employés du Journal de Montréal et de se transformer en coopérative dans les 90 jours suivant la signature.

L'entente proposait aussi que Quebecor Media imprime et distribue la version papier du média, en accordant en plus des rabais de 4000 $ par semaine pour ce faire. L'empire médiatique conservait finalement un droit de premier refus en cas de vente de la coopérative médiatique dans les cinq années suivant l'entente.

Bref, après avoir cherché à faire fermer RueFrontenac, Quebecor a voulu en faire un partenaire d'affaires. L'argent n'a pas d'odeur, dit le dicton. Enfin, pour certains. Les syndiqués ont balayé samedi cette proposition de collaboration qui était pourtant appuyée par le médiateur.

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NDLR: Une modification a été apporté à cet article après publication, pour corriger une erreur de chiffre.

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