Le Devoir, c'est moi! - Le tour de l'Île de la descendante d'Henri Bourassa

Marie-Paul Bourassa, fière résidante de l’Île-Verte et petite-fille d’Henri Bourassa, fondateur du Devoir. Elle n’avait que dix mois lors du décès de son illustre grand-père.
Photo: Yan Doublet - Le Devoir Marie-Paul Bourassa, fière résidante de l’Île-Verte et petite-fille d’Henri Bourassa, fondateur du Devoir. Elle n’avait que dix mois lors du décès de son illustre grand-père.

Depuis un an, semaine après semaine, nos lecteurs ont pris la parole pour dire qui ils sont et pourquoi ils nous lisent. Une véritable communauté dont nous avons tiré au total 55 portraits. Il fallait bien boucler la boucle, et c'est pour nous un juste retour des choses que de clore cette série, à la une comme elle a débuté, par une femme qui n'est pas seulement lectrice, mais aussi descendante d'une lignée pour nous historique: la petite-fille de notre fondateur.

Il a fallu se lever à l'aurore pour rejoindre le gîte de Marie-Paul Bourassa dans la petite municipalité de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, non loin de Rivière-du-Loup. Entre qui veut à l'Île-Verte, mais pas n'importe quand.

En automne, le petit traversier ne se rend sur l'Île que tôt le matin et tard en fin de journée. Et ce n'est pas tout! Une fois à destination, il faut se débrouiller sans épicerie, restaurant ni station-service! L'hiver, il faut compter sur un hélicoptère qui se déplace à peine trois fois par semaine.

On comprendra dès lors que notre rencontre ait eu lieu à l'automne. On comprendra aussi que même la descendante du fondateur du Devoir a de la difficulté à se procurer des copies papier du journal, surtout quand la saison des neiges est bien installée. Galant, son amoureux enfourche parfois sa motoneige pour traverser le pont de glace et quérir le précieux quotidien. «L'avantage, c'est quand on l'a, on en profite et on le lit au grand complet!», lance en riant Marie-Paul dans la verrière pleine de lumière de sa maison.

Âgée de 59 ans, cette jeune grand-maman n'avait que 10 mois quand Henri Bourassa, son grand-père, est décédé, en 1952. Mais comme ses quatre frères et soeurs, elle en sait beaucoup sur lui et en a long à dire. «Les gens disent souvent qu'ils veulent faire des recherches sur leurs ancêtres. Moi, je n'ai pas besoin de le faire parce que tout le monde le fait pour nous», lance-t-elle en citant en exemple la biographie de Mario Cardinal qui l'a passionnée.

À propos de la prétendue misogynie de son aïeul et de sa notoire opposition au vote des femmes, elle a une explication toute familiale. «Henri a perdu sa mère, Azélie, très jeune et sa femme, Joséphine, est décédée jeune aussi. Il est resté seul pour élever ses huit enfants. Je crois qu'il a mesuré à quel point la présence d'une femme à la maison faisait la différence. Il faut dire aussi que c'était une autre époque.»

Descendante de nationalistes

Chose certaine, cela n'empêche pas Marie-Paul Bourassa d'être très fière de sa famille qui inclut aussi Louis-Joseph Papineau (l'arrière-arrière-grand-père) dont elle aurait aimé «avoir le cerveau» et le peintre Napoléon Bourassa. De Bourassa et Papineau, elle a sans doute hérité sa grande passion pour la politique et le nationalisme. «Dans la famille, on a tous été des militants. Il n'y a jamais eu de rouge chez nous, mon père a toujours été de couleur bleue.»

Après avoir fait carrière pendant 20 ans comme esthéticienne en Estrie, elle a milité activement au sein du mouvement souverainiste et fut longtemps agente de liaison pour le Parti québécois, organisatrice pour le référendum de Charlottetown et même candidate aux élections de 1994 contre Pierre Paradis. «J'avais peu de chances de gagner, mais c'était une belle occasion d'affirmer ma souveraineté et je préparais le terrain pour le référendum de 1995.» C'est d'ailleurs dans ce milieu qu'elle a rencontré son Bernard qui, lui, était agent de liaison dans les Laurentides.

Sur le point le plus élevé de la terre qu'ils possèdent à l'Île, ils ont planté un grand drapeau du Québec et c'est là qu'ils ont sablé le champagne après avoir acheté l'endroit en 1999. Malgré leur retraite de la vie politique, on trouve encore des traces de ce passé sur les vieilles pancartes électorales qu'ils recyclent pour marquer le sentier qui les mène au fleuve sur le versant nord de l'Île, face à Tadoussac.

Coupés du monde

Marie-Paul et Bernard sont littéralement tombés amoureux de cette petite île un peu sauvage et coupée du monde. Ils ne la quittent d'ailleurs que rarement, même l'hiver.

«L'hiver, ç'a quelque chose de particulier qu'on ne retrouve pas à beaucoup d'endroits... Dans une de ses chansons, Fred Pellerin dit que "ici, la neige est bleue; là-bas, la neige est brune". Eh bien, c'est vrai.» Elle dit qu'elle a fait «le bon choix». «Aucun endroit ne peut me rassasier autant qu'ici.» Certes, elle s'ennuie parfois des pommiers en fleurs au printemps ou encore de ses trois petits-enfants, mais «je les vois moins souvent, mais plus intensément», dit-elle.

Et, en bonne fille Bourassa, elle se tient très occupée. Bernard l'agace d'ailleurs souvent en disant qu'elle gère «plusieurs ministères» sur l'Île: les sports, les loisirs, le transport, etc. Parce qu'en plus d'être conseillère municipale, Marie-Paul a organisé cet automne une fête d'Halloween (pour les trois seuls enfants de l'Île) et cherchait à vendre l'idée d'une navette électrique pour promener les visiteurs pendant l'été. Elle siège aussi au comité qui organise le légendaire «sentier de la bouette» qui permet une fois l'an à la population de traverser le fleuve à pied pendant la marée basse.

Bref, elle ne s'ennuie pas et, même si c'était le cas, ce ne serait pas si grave. «Les gens demandent souvent ce qu'il y a à faire à l'Île et j'ai le goût de répondre "rien". Vous savez, c'est un privilège de pouvoir ne rien faire.» Et c'en est un autre que d'être accueilli dans un lieu aussi inspirant.

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