Le Devoir, c'est moi - Le lien entre les idées et le «vrai monde»

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits, que nous continuons de vous présenter jusqu'à la fin de notre centenaire. Aujourd'hui, une professeure de philosophie pour qui Le Devoir enrichit l'enseignement.
Le philosophe haut perché sur sa branche, la tête plantée dans le nuage des idées, bien peu pour Emmanuelle Marceau. Pour cette jeune professeure de philosophie du cégep du Vieux-Montréal, qui ne saurait évidemment se passer du monde des idées, l'intérêt réside surtout dans leur application. Ou, plutôt, dans leur utilité pour guider l'action, ici, maintenant. Et Le Devoir n'est pas étranger à cette démarche...La philosophie chez Mme Marceau fait donc le saut de Rhodes, de la pensée à l'action. Un saut que lui a d'abord inspiré Gandhi, son philosophe fétiche, lors de ses études en droit à McGill, avant qu'elle ne bifurque vers la philosophie à la maîtrise. «Je m'intéressais aux fondements du droit. Au rapport entre le droit et la moralité. Ça m'a amenée aux concepts de paix, de justice, puis à Gandhi... pour réaliser qu'il avait lui aussi fait des études en droit, en Angleterre!»
«Je me suis beaucoup identifiée à ses valeurs, poursuit la professeure, qui se définit surtout comme une pragmatique. Ce désir de changement, de justice, cette façon simple de chercher un mode de vie en harmonie avec les gens, la nature. Au niveau éthique, c'est une figure très parlante entre le "dire" et le "faire".»
Le spectre philosophique de Gandhi plane toujours sur le travail d'Emmanuelle Marceau, car en plus de donner les trois cours obligatoires de philo au cégep, elle est membre de la Chaire d'éthique appliquée à l'Université de Sherbrooke. L'éthique appliquée, qu'elle définit comme la «réflexion en situation pour trouver des solutions applicables». Décidément ancrée dans le «vrai monde », elle enseigne également la médiation interculturelle dans cette même université et s'occupe du dossier «Éthique de la recherche» à l'Association pour la recherche au collégial.
L'éducation à la citoyenneté
C'est là que s'insère Le Devoir, quelque part entre la pensée et l'action. Et dans la salle de cours. Emmanuelle Marceau pige volontiers dans les pages du quotidien de la rue De Bleury — et d'autres aussi, confesse-t-elle — pour éduquer ses ouailles. «Je suis une boulimique de l'actualité et je défends sa pertinence dans l'enseignement de l'éthique et de la philosophie. C'est utile pour s'informer, mais aussi pour réfléchir aux questions qui nous préoccupent.» Comment? En évaluant par exemple les étudiants de la façon suivante: sélectionner un article, soulever une question éthique et y réfléchir en faisant des liens avec la matière apprise dans le cours.
Il n'est pas rare non plus que l'actualité s'invite de façon moins formelle entre les murs du cégep. La lecture bien personnelle du Devoir le samedi, chez Mme Marceau, peut très bien aboutir dans le cours du lundi matin si un article s'est montré inspirant. Quels types d'articles? Sur quels sujets? «C'est extrêmement varié, assure-t-elle. Des nouvelles, des éditoriaux, des textes d'opinion...» Sans oublier, bien sûr, Le Devoir de philo. «C'est ce qui me permet de montrer aux étudiants que la philosophie, ce n'est pas qu'un cours obligatoire au cégep!»
Mais faire circuler des articles de journaux dans la salle de cours n'est pas qu'une façon d'atteindre les objectifs inscrits dans le haut du syllabus. Pour celle qui a rédigé son mémoire de maîtrise sur le cours d'éducation à la citoyenneté au secondaire, initier ses étudiants du cégep à la lecture d'un quotidien est un peu comme... les éduquer à la citoyenneté. «On pense que tout le monde lit les journaux, mais ça ne va pas de soi... Pour plusieurs, au cégep, c'est assimilé, mais ce n'est pas la majorité.»