Le Devoir, c'est moi - Une voix pour ceux qui ne peuvent lire

Diane Pilotte est présidente du conseil d’administration de la Magnétothèque, un organisme qui donne une voix aux livres et les rend accessibles à des milliers de gens qui sont incapables de lire. «Je suis toujours en train de lire. J’ai toujours un livre sur moi. Je lis même en marchant pour aller à l’épicerie!»
Photo: - Le Devoir Diane Pilotte est présidente du conseil d’administration de la Magnétothèque, un organisme qui donne une voix aux livres et les rend accessibles à des milliers de gens qui sont incapables de lire. «Je suis toujours en train de lire. J’ai toujours un livre sur moi. Je lis même en marchant pour aller à l’épicerie!»

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque lundi, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle parmi les fidèles, qui lui donne une voix, parfois au sens premier du terme comme le démontre notre lectrice de cette semaine.

En ce mardi matin, les locaux de la Magnétothèque, boulevard René-Lévesque, bourdonnent d'activité. Cela n'a rien d'inhabituel: chaque semaine, plus de 400 bénévoles se relaient aux postes de lecture pour donner une voix aux livres et les rendre accessibles à des milliers de gens qui, pour différentes raisons, dont la cécité, sont incapables de lire. Matin, midi et soir, ils donnent de leur temps et contribuent à produire annuellement, au fil de 25 000 heures d'enregistrement, quelque 800 livres sonores.

La présidente du conseil d'administration de l'organisme, Diane Pilotte, offre au journaliste une visite guidée des lieux. On se rend au studio de Canal M, la chaîne de radio de la Magnétothèque qui diffuse 24 heures sur 24 sur le câble, par satellite et sur Internet et qui présente, entre autres émissions, une longue revue de presse des quotidiens. Mais contrairement à ce qui se fait à la radio traditionnelle, les articles sélectionnés sont lus dans leur intégralité. Ici, on n'est pas bousculé par la circulation ou la météo...

Diane Pilotte fait partie de l'équipe de lecture de Canal M, où elle tient la barre pendant quelques heures une fois par semaine. Opticienne de formation — elle possède sa propre boutique de lunetterie —, suivant en cela les traces de son père, elle mentionne qu'elle a toujours été préoccupée par les questions liées à la vision et qu'il était donc tout naturel qu'elle offre ses services à la Magnétothèque en 1985. «En plus, j'adore lire, dit-elle. Je suis toujours en train de lire. J'ai toujours un livre sur moi. Je lis même en marchant pour aller à l'épicerie!»

La méthode

Et parmi ses lectures favorites, on retrouve Le Devoir, auquel elle est abonnée depuis 30 ans — «par paresse, précise-t-elle en riant, parce que je préfère le cueillir sur mon balcon plutôt que d'aller au dépanneur quand il fait moins 40». Elle qui se qualifie de «lectrice bizarre» s'impose d'ailleurs un rituel bien particulier dans la fréquentation de «son» quotidien.

Il y a d'abord le trajet en métro pour se rendre au travail: c'est le temps de parcourir la une et la page de suites, un exercice d'autant plus aisé que Le Devoir se plie facilement en quatre alors qu'on est souvent confronté à l'exiguïté du lieu. Puis, selon le rythme de la journée — entre deux clients, à l'heure du lunch, le soir à la maison —, viendront, dans l'ordre: les éditoriaux, la page Idées, les lettres des lecteurs et la libre opinion, les chroniques et, enfin, les autres sections du journal.

Écologiste avant que cela ne devienne à la mode — «en 1980, je faisais déjà mon compost» —, elle dit apprécier grandement Louis-Gilles Francoeur, qui fut longtemps la seule voix en journalisme environnemental au Québec. Les chroniques politiques, notamment celles de Michel David et de Manon Cornellier, lui plaisent de même (ainsi que, hum, celle des sports). Mais la force du Devoir, en plus de sa présentation graphique «magnifique», c'est le brassage d'idées qu'il suscite.

«D'abord, on y trouve beaucoup d'analyse. Dans un monde où l'information circule de plus en plus vite, il est important d'avoir une certaine perspective sur les événements. Et ce que j'aime bien du journal, c'est qu'on y présente les deux volets d'une question. Une place est faite aux opinions divergentes, une place est laissée à toutes les opinions. Cela aide à se faire sa propre idée», dit-elle.

Plus d'adeptes

La Magnétothèque changera de nom sous peu puisque l'actuel est devenu désuet: on n'enregistre plus sur bande magnétique, et l'organisme ne fait plus office de bibliothèque, la distribution des disques numériques étant désormais assurée par la Bibliothèque nationale du Québec. Mais, prévient Diane Pilotte, son rôle continue de gagner en importance. Avec le vieillissement de la population et la croissance de certaines maladies, à commencer par le diabète, le nombre de gens souffrant de problèmes de vision ira en augmentant. Le service de livres sonores et de journaux lus pourrait faire de plus en plus d'adeptes.

Elle en profite d'ailleurs pour signaler en souriant que la Magnétothèque est actuellement en campagne de financement et que toute contribution est la bienvenue. «Plus de 36 000 nouveaux livres sont disponibles chaque année au Québec. Nous en enregistrons 800. C'est bien, mais ce n'est pas assez.»

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Pour écouter Canal M: www.lamagnetotheque.qc.ca

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