Le Devoir, c'est moi - Le fidèle compagnon de lutte d'un ardent défenseur des aînés

Dans les années 60, Hubert de Ravinel se rendait lui-même au Devoir pour porter des textes concernant les Petits Frères des pauvres et les personnes âgées en général.
Photo: - Le Devoir Dans les années 60, Hubert de Ravinel se rendait lui-même au Devoir pour porter des textes concernant les Petits Frères des pauvres et les personnes âgées en général.

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque lundi, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle d'entre les fidèles. Certains ont même avec ce journal un rapport d'action, comme en témoigne aujourd'hui M. de Ravinel.

Pour Hubert de Ravinel, Le Devoir a été une sorte d'initiation au Québec. C'est par ce journal que le défenseur des aînés et de leur bien-être, français d'origine, a d'abord appris à apprivoiser un Québec mobilisé par la Révolution tranquille, dans les années 60.

L'homme arrivait alors de Chicago, où il avait prêté main-forte aux Petits Frères des pauvres, qu'on appelait là-bas Little Brothers of the poor. Quelques années plus tôt, il avait quitté la France, au terme d'un service militaire douloureux effectué en Algérie. Puis, Armand Marquiset, qui dirige les Petits Frères des pauvres en France, lui suggère de venir à Montréal, pour seconder Maurice Ouellet, dans une antenne de l'organisme, qui tente de remplacer la famille auprès des personnes âgées esseulées, au Québec.

C'était en 1963. La société québécoise était en profonde mutation. «Le Devoir était pour moi un miroir fidèle de ces transformations en même temps qu'une initiation intelligente aux facettes sociales, politiques et économiques de ma nouvelle patrie, même si le titre du journal sonnait à mes oreilles quelque peu moralisateur!», se souvient-il aujourd'hui.

«Au lieu de "fais ce que dois", j'aurais dit "fais ce que veux", ajoute-t-il. Mais on n'y pense plus, aujourd'hui, à ce titre, Le Devoir...»

Dès cette époque, Hubert de Ravinel se rend rue Notre-Dame pour porter au journal des textes concernant son organisme et les personnes âgées en général. «Les locaux n'étaient pas très joyeux», se souvient-il. Il rencontre les journalistes: Renée Rowan, dont il dit encore aujourd'hui avoir apprécié le professionnalisme et la sensibilité, Marie Laurier, et Jean-Pierre Proulx, qui est par la suite devenu un ami.

«Que ce soit dans la page des idées ou dans celle de la vie communautaire, la problématique des aînés a toujours été traitée en profondeur au Devoir», dit-il aujourd'hui.

Des conditions à dénoncer


Car son engagement auprès des aînés dépasse vite la simple administration des Petits Frères des pauvres. En 1963, il découvre que les aînés québécois vivent dans de piètres conditions: «Manque de confort, coquerelles, c'était l'époque des chambreurs, plusieurs vivaient dans des édifices aux chambres insalubres, et j'ai fini par offrir à la page des idées des réflexions sur une société qui ne respecte pas ses aînés. Mes lettres aux lecteurs étaient trop longues, alors ils les mettaient dans la page des idées, ce que je souhaitais d'ailleurs.»

Beaucoup plus récemment, il y a à peine trois ans, Hubert de Ravinel a de nouveau trouvé refuge dans les pages du Devoir, cette fois pour dénoncer le fait qu'on lui ait refusé le privilège de devenir diacre sous prétexte qu'il était trop âgé.

«Je souhaitais devenir diacre dans l'Église catholique parce que je pensais que j'avais des choses à faire là. Et l'évêché, d'une manière très précise, voire sèche, m'a dit "pas question, vous êtes trop vieux"!»

Pour un homme ayant défendu les aînés toute sa vie, la gifle était de taille. «J'avais 70 ans, et je leur ai dit: "vous savez, je vais peut-être rester dix ans ou quinze", mais ils m'ont dit non. Du coup, j'ai exprimé mon désarroi dans une lettre que j'ai envoyée au Devoir et qui est parue dans la page Idées.»

Par la poste

En 1977, Hubert de Ravinel s'absente six mois du Québec pour écrire un livre près d'Antibes, en France.

«Et mon beau-père m'a envoyé fidèlement, trois fois par semaine, par la poste, les extraits les plus importants du Devoir. Pendant sept mois, j'attendais le facteur en me disant "est-ce que Le Devoir est arrivé?", comme quoi il me manquait...».

Sa dernière satisfaction, dit-il, est d'avoir vu réapparaître les mots croisés du samedi.

Quand on demande à Hubert de Ravinel s'il considère que la condition des aînés s'est améliorée aujourd'hui, il répond que «sur le plan économique, c'est indéniable, cela s'est amélioré». Mais il reste encore bien des batailles à mener, entre autres pour résoudre l'immense difficulté de trouver des soins à domicile adéquats. «Cela n'a pas progressé, au contraire, dit-il. On coupe allègrement. D'où le placement beaucoup plus prématuré des personnes âgées en maisons de retraite.»

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