Journal de Montréal - La médiation se poursuit
La médiation se poursuit au Journal de Montréal (JdeM). Au lendemain du rejet massif des offres patronales par neuf lockoutés sur dix, le médiateur a signifié aux deux parties venues le rencontrer que son mandat se prolongeait.
«Les négociations vont continuer devant le médiateur, qui nous a confirmé son contrat», dit Raynald Leblanc, président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal, en entrevue au Devoir. «Il nous a dit qu'à moins d'un revirement exceptionnel, sa job continue jusqu'à l'obtention d'un règlement.»Le porte-parole du ministère du Travail, de qui relève cette procédure, a aussi confirmé que le mandat de son négociateur se poursuivait. «On souhaite qu'il continue le travail, dit Harold Fortin, attaché de presse de la ministre Lise Thériault. Son rôle, c'est de rapprocher les parties et d'en arriver à une entente.»
L'échéance du 13 octobre (hier) évoquée pour tenir le vote sur la proposition de règlement rejetée à 89,3 % avait été fixée par le propriétaire du quotidien en lock-out depuis plus de 600 jours. Les deux parties se sont d'ailleurs de nouveau rencontrées hier. Quebecor, qui n'a pas commenté publiquement la situation hier, n'avait délégué qu'un seul porte-parole.
«On lui a livré le message et le mandat très clair qu'on a eus hier», poursuit M. Leblanc. Il explique toutefois avoir besoin d'un peu de temps de réflexion et de repos, avec son équipe, avant de se lancer dans une nouvelle ronde.
La proposition patronale a notamment échoué, de l'aveu du président Leblanc, parce que la direction du Journal de Montréal veut imposer aux lockoutés une clause dite de non-concurrence forçant la fermeture du site syndical RueFrontenac. Le patron veut aussi interdire aux journalistes licenciés de travailler à La Presse ou pour le site Cyberpresse dans les six mois suivant le congédiement.
«La clause de non-concurrence, la fermeture de RueFrontenac et l'interdiction d'utiliser ce nom, voilà des trucs symboliques qui n'ont aucune valeur économique [pour la direction du JdeM] et c'est clair qu'il s'agit d'une attaque en règle pour mettre le syndicat à genoux», juge Reynald Bourque, professeur de l'École des relations industrielles de l'Université de Montréal, spécialiste des conventions collectives. «Il ne vous reste plus rien après ça. Mais ça correspond bien aux dernières sorties antisyndicales de la direction de Quebecor.»
La demande semble exceptionnelle. «Une clause de non-concurrence, dans une convention collective, c'est pour le moins inusité, c'est même très rare, dit encore le professeur. On en retrouve parfois dans certains secteurs, comme l'assurance ou la finance, qui sont des secteurs très peu syndiqués. La Cour suprême a d'ailleurs jugé que ces clauses doivent être à durée limitée, généralement six mois.»
Dans ce cas précis, l'attaque vise les reporters, et le spécialiste y voit un autre coup de force. «Ici, les plus affectés par ces exigences, ce sont les professionnels, les journalistes, les photographes, dit M. Bourque. Les employés de bureau peuvent être tentés d'aller voir ailleurs, en se disant: "Avec une entreprise comme ça..." Le travail des journalistes est limité parce que le secteur est en crise. C'est donc encore plus surprenant d'exiger une telle restriction.»
Bref, le patron exerce une forte, très forte pression, par tous les moyens, pour obtenir des concessions importantes. Mais pour combien de temps encore? «Le Journal de Montréal ne devrait pas fermer, juge finalement le professeur Bourque. Il faudra bien revenir à la normale à un moment donné. Mais ce sera aux conditions du propriétaire...»