Le Devoir, c'est moi - Le journal de l'analyse et de l'ouverture

Le poète et professeur de philosophie Arol Pinder aime lire Le Devoir dans sa version papier. «Même s’il se fane comme une fleur, on en garde toujours l’odeur.»
Photo: Valérian Mazataud Le poète et professeur de philosophie Arol Pinder aime lire Le Devoir dans sa version papier. «Même s’il se fane comme une fleur, on en garde toujours l’odeur.»

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque semaine, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle d'entre les fidèles, ceux qui, comme notre poète de cette semaine, aiment les mots et l'analyse qu'ils transportent.

«L'intellectuel se réveille avec son journal et sa bible», glisse Arol Pinder dans un sourire. La citation n'est pas de lui, mais de Karl Barth, un théologien suisse. En fait, quand l'enseignant de philosophie de 33 ans s'exprime, ce sont souvent d'autres qui parlent, de Kafka à Umberto Eco, en passant par Camus ou Novalis.

Pour alimenter son insatiable besoin de lecture, le poète, arrivé d'Haïti il y a 12 ans, a réuni une armada de quelque 3000 livres qui peuplent les rayons de sa bibliothèque personnelle à Mascouche. «C'est mon sanctuaire; quand j'y suis, plus rien n'existe. Je peux mourir là» avoue-t-il, avant de se remémorer les mots de Montesquieu: «Il n'est pas de chagrin qu'une heure de lecture ne pourrait dissiper.»

Philosophie, littérature, théologie, c'est presque naturellement que Le Devoir se retrouve entre ses mains. À son arrivée au Québec, en 1998, on lui conseille la lecture du quotidien. «On m'a dit: "C'est le journal le plus sérieux, même s'il est de droite", se souvient-il en riant. Mais j'ai découvert le contraire depuis.»

Pourtant, le natif de Cap-Haïtien connaissait déjà Le Devoir, souvent cité sur les chaînes câblées du Québec, Radio-Canada ou TVA. Les articles du journal sortaient même régulièrement des téléscripteurs des radios 4VEH et 4VKB, où il a commencé à animer dès l'âge de 13 ans.

Ouverture


À 21 ans, après des études en communication radiophonique, il rejoint son frère, historien à Montréal, et entame des études en théologie pastorale. S'ensuivent quatre années comme aumônier des forces canadiennes, auprès des cadets de Valcartier.

Finalement, c'est la radio qui le rattrape. À CPAM, il anime une émission culturelle et littéraire durant quatre ans. «Je suis un des premiers à avoir engagé des étrangers, enfin, des Québécois, comme Sophie Stanké, la fille de mon éditeur.»

Même s'il n'est plus abonné aujourd'hui, il reste lecteur du Devoir qu'il achète «quand il y a quelque chose de chaud dans l'actualité. C'est le seul journal qui ne met pas l'accent sur le sensationnalisme, mais adopte plutôt une démarche analytique.» Et puis, l'écrivain y apprécie la qualité de la langue.

Plus encore, il reconnaît au Devoir une vraie ouverture aux cultures étrangères, haïtienne entre autres, et se rappelle la longue couverture accordée aux conséquences du séisme, même longtemps après le drame. «C'est un journal qui a le souci de l'autre et qui invite à regarder vers l'ailleurs.» D'ailleurs, Antenor Firmin, anthropologue haïtien, et maître à penser d'Arol Pinder, ne disait-il pas que «toute culture doit son existence à une autre»?

Responsabilité

Du Devoir aussi, il reconnaît aimer le titre, comme le Combat, de Camus, ou Libération. Le devoir de quoi, d'ailleurs? «C'est une éthique professionnelle. C'est reconnaître ce que le quotidien doit à la population, sa responsabilité face au public, en matière d'éducation par exemple.»

Du journal, il aime aussi le papier, parce que, «même s'il se fane comme une fleur, on en garde toujours l'odeur.» Avec Internet, déplore le philosophe, on n'a pas d'effort de mémoire à faire, c'est l'ordinateur qui s'en charge. Avec le papier, au moins, «il y a un contrat de compréhension tacite avec l'auteur, un devoir de mémoire».

De Mascouche, où il s'est installé depuis deux ans, avec sa femme et ses trois enfants, il travaille à la correction de son dernier manuscrit, Ne dis pas cela à ma femme, l'histoire d'une prostituée antillaise qui sauve la vie d'un homme.

Pourtant, Montréal lui manque souvent. «La ville donne le sentiment d'exister», confie celui qui avoue affectionner cafés et librairies de la métropole. «La Brûlerie Saint-Denis de Côte-des-Neiges est mon Café de flore!», s'esclaffe-t-il. Tous les vendredis soir, il y retrouve un groupe d'amis. Des penseurs d'Haïti et d'ailleurs. Le Devoir y occupe les conversations à l'occasion, ou plutôt y met un terme. «C'est un journal dont on attend le dernier mot. Quand l'information fuse, Le Devoir clôt.»

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Collaborateur du Devoir

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