Les lock-outés du Journal de Montréal votent sur une proposition patronale

Le lock-out au Journal de Montréal en est aujourd’hui à sa 627e journée. Le quotidien n’a pas cessé de publier.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Le lock-out au Journal de Montréal en est aujourd’hui à sa 627e journée. Le quotidien n’a pas cessé de publier.

Les syndiqués en lock-out du Journal de Montréal (JdM) se réunissent en assemblée générale spéciale ce matin pour discuter d'une proposition de règlement patronale du conflit de travail. Le lock-out en est aujourd'hui à sa 627e journée, un record canadien dans le secteur des médias.

La réunion clôt cinq semaines de négociations devant un médiateur spécial nommé par Québec. Ironiquement, l'assemblée syndicale se déroulera au Centre Pierre-Péladeau de l'UQAM, un lieu culturel nommé en l'honneur du fondateur de Quebecor, propriétaire du Journal de Montréal (JdeM). Son fils Pierre Karl Péladeau (PKP) dirige maintenant l'entreprise.

L'ordre du jour de l'assemblée, obtenu par Le Devoir, annonce la présentation et la discussion de «l'offre de PKP et de l'hypothèse du médiateur», avec un volet particulier consacré à la convention collective et aux indemnités de licenciement. Le médiateur spécial, Jean Poirier, a travaillé à résoudre le conflit au Journal de Québec en 2008. Ce quotidien appartient aussi à Quebecor.

Le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal comptait 253 membres au moment de l'imposition du lock-out le 24 janvier 2009. Le regroupement multisectoriel représente des employés de bureau (commis comptables, téléphonistes, commis aux petites annonces, etc.) et des employés de la salle de rédaction (journalistes, pupitreurs, réviseurs, photographes et un caricaturiste).

«Convergence illimitée»

Les parties patronales et syndicales respectent un huis clos total sur le déroulement et les résultats de la médiation. Toutefois, selon des informations obtenues, l'offre discutée ce matin balaie les conditions de travail de l'ancienne convention collective, ouvre la porte à la «convergence illimitée» à l'origine du conflit et prévoit des mises à pied massives. La direction n'aurait pas modifié substantiellement sa volonté de ne conserver qu'environ un employé sur cinq, soit une cinquantaine de personnes au total. Cet été, le patron proposait de retenir dix-sept reporters seulement sur les quelque 65 au travail dans la salle de rédaction en janvier 2009.

Les «indemnités de licenciement» seraient moins avantageuses que celles offertes aux employés congédiés du Journal de Québec après le lock-out de 2007-2008. Ses licenciés avaient reçu l'équivalent de 18 mois de salaire. «On va probablement nous donner le choix entre la peste et le choléra», résume un employé du JdeM contacté hier.

L'ordre du jour prévoit aussi un temps pour que le comité de négociation expose sa propre position par rapport aux négociations et à la proposition de l'employeur. Des confidences glanées dans les dernières semaines décrivent une démarche «extrêmement pénible» et une atmosphère «très tendue» à la table de médiation. Si l'offre de règlement est rejetée, il serait logique qu'un nouveau comité de négociation se mette en place pour tenter à son tour de sortir de l'impasse.

Lectorat en hausse


Quoi qu'il arrive, cette réunion fera date. Les deux parties ne se sont pas parlé pendant près d'un an après l'imposition du lock-out.

«Ce long et dur conflit n'est pas une bonne chose pour notre profession», commentait hier Brian Myles, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et collègue du Devoir. «Tout le monde est affecté, et le retour au travail sera pénible.»

Le quotidien n'a pas cessé de publier. Les données parues la semaine dernière par NADbank montrent que Le Journal de Montréal a encore augmenté son lectorat cette année. Le quotidien attire maintenant près de 1,3 million de lecteurs par semaine, un record au Québec.

Il est possible que cette augmentation soit liée à une plus grande distribution gratuite de milliers d'exemplaires du journal. Peu importe, puisque le résultat demeure le même: sans ses journalistes, et donc à moindre coût, la popularité du tabloïd ne fléchit pas.

Une quarantaine de cadres le réalisent depuis une vingtaine de mois. Les nouvelles technologies au coeur du conflit leur facilitent la tâche. Elles permettent par exemple l'échange de textes entre les différents médias de l'empire Quebecor, une pratique que les tribunaux ont jugée parfaitement légale. Les syndiqués persistent à y voir l'avatar contemporain du briseur de grève.

Les lock-outés ont lancé le «journal syndical électronique» Rue Frontenac. Une version papier hebdomadaire devrait paraître dans deux semaines. Le nouvel imprimé serait distribué gratuitement le jeudi matin. Son sort est aussi entre les mains des syndiqués du Journal de Montréal qui se réunissent ce matin.

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