Médias, miroirs déformants des femmes

Un rapport mondial souligne la persistance des stéréotypes dans les informations. Même si des progrès sont enregistrés depuis 20 ans, dans le «miroir du monde», le masculin l'emporte même pour parler de la violence conjugale ou du mouvement féministe. Et les nouveaux médias n'améliorent pas la triste situation...

Les femmes demeurent assez mal servies par la couverture médiatique, «significativement sous-représentées et mal représentées dans les médias du monde», conclut la récente étude intitulée Qui figure dans les nouvelles?. Il s'agit de la contribution pour 2010 du Projet mondial de monitorage des médias. En général, les nouvelles négligent les femmes ou, «au mieux», ont tendance «à parler de, plutôt qu'aux femmes ou par les femmes».

L'enquête a suivi à la trace, un jour donné (le 10 novembre 2009), 1281 journaux et stations de radio et de télévision diffusés dans quelque 110 pays, mais aussi 76 sites Web de nouvelles nationales de 16 pays et huit sites internationaux. Au total, l'échantillon regroupait près de 18 000 narrations sur plus de 38 000 sujets ou sources de nouvelles, c'est-à-dire des personnes interviewées ou mêlées à une histoire rapportée. Les données peuvent en plus être recoupées avec trois enquêtes précédentes remontant jusqu'en 1995.

«Le nombre relatif à la présence des femmes dans les actualités a atteint 24 % en 2010, une augmentation par rapport aux 17 % de 1995, note Margaret Gallagher, chercheuse principale de l'enquête, dans son introduction. Toutefois, bien que cette augmentation soit prometteuse, le nombre lui-même nous rappelle que, dans le "miroir du monde" que nous présentent les médias d'information, les visages que l'on aperçoit et les voix que l'on entend demeurent largement ceux des hommes.»

Dans les salles de nouvelles du monde, les femmes représentent 37 % des effectifs, par rapport à 28 % il y a cinq ans. La télévision leur fait une plus grande place (44 %), surtout à l'écran, où elles présentent la majorité des reportages sur tous les sujets, locaux ou internationaux. Au Pakistan, presque tous (92 %) les présentateurs de nouvelles sont des présentatrices. En Allemagne, elles ne forment que le tiers du lot. Au Canada, ce niveau monte à 40 %, à peu près le niveau des reporters féminins (42 %) à l'écran.

Par contre, les journaux ne comptent qu'une femme sur trois employés en moyenne. Vérification faite, Le Devoir fait un peu mieux avec 40 % d'effectifs féminins en salle (soit 17 femmes sur 43 salariés permanents membres du syndicat des journalistes). L'éditorial compte deux signatures féminines sur cinq, mais une seule femme (Josée Boileau) à la direction de l'info.

L'enquête montre aussi que les femmes journalistes ont plus tendance à interviewer des femmes. Il y a des différences notables entre les régions du monde: les médias du Moyen-Orient rapportent 16 % de sujets féminins, par rapport à 26 % en Europe, 28 % en Amérique du Nord et 29 % en Asie.

L'étude a découpé la production en 52 sous-thèmes (économie locale, droit de propriété, concours de beauté ou mode, etc.). Les femmes n'en dominent que quatre: l'évolution des relations homme-femme, la participation des femmes à l'économie, les relations familiales et les actualités concernant les jeunes filles. Elles sont même sous-représentées dans les reportages sur le mouvement féministe (37 %), les femmes candidates aux élections (30 %) et la violence contre les femmes (34 %)!

À peine 13 % des nouvelles générées dans le monde se concentrent sur elles, et encore: celles choisies occupent souvent la traditionnelle place au foyer. Les experts interviewés sont le plus souvent des hommes (quatre fois sur cinq).

Un autre détail étonnant: l'âge des femmes interviewées est mentionné deux fois plus souvent que celui des hommes. Un autre: elles sont plus susceptibles d'être photographiées dans les journaux (dans 26 % des cas, par rapport à 17 % pour les hommes) et d'ailleurs, elles sont beaucoup plus souvent dévêtues.

L'enquête montre aussi que les travers «sexistes» des vieux médias se transposent dans les nouveaux. Ils s'y révèlent même être pires, puisque moins de femmes journalistes s'activent sur les nouvelles plates-formes et que 40 % des infos y renforcent les stéréotypes.

Le rapport note finalement que, au rythme des progressions, «il faudrait 40 ans pour atteindre la parité». Pour accélérer le mouvement, l'étude propose un tas de mesures, allant de la constitution de répertoires d'experts féminins à la promotion du leadership féminin dans les médias.

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