Le Devoir, c'est moi - Les réponses qui comblent!

Quels sont les 12 ouvrages incontournables qu’il faut avoir lus dans sa vie? De simple curiosité, la question de Sophie Panneton s’est muée en saga épistolaire dans les pages du Devoir.
Photo: Jacques Grenier - Le Devoir Quels sont les 12 ouvrages incontournables qu’il faut avoir lus dans sa vie? De simple curiosité, la question de Sophie Panneton s’est muée en saga épistolaire dans les pages du Devoir.

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque lundi, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle d'entre les fidèles. Cette semaine, une jeune femme venue au Devoir précisément grâce à sa communauté de lecteurs.

Sur la table de Sophie Panneton s'empilent 130 lettres. Des lettres tapées à la machine, pour d'autres de simples feuillets manuscrits un peu jaunis, que complètent quelques courriels imprimés. Pour la bachelière en éducation au rire franc et à l'oeil vif, ces lettres sont un «trésor national», un trésor hérité des lecteurs du Devoir ayant répondu à sa question existentielle d'étudiante de jadis: quels sont les 12 ouvrages incontournables qu'il faut avoir lus dans sa vie?

Le regard que pose Sophie Panneton sur sa petite pile, soigneusement conservée depuis 13 ans, est celui, conquis, du collectionneur. Ancienne décrocheuse, maintenant «mère mono» de deux enfants de 8 et 11 ans, la jeune femme a d'abord étudié la littérature à l'université, avant de se tourner vers l'éducation. C'est justement en 1997, à la fin d'un cours à l'Université du Québec à Montréal, qu'elle pose la «fameuse» question à son professeur d'alors, Godefroy-M. Cardinal. Quelle serait donc sa liste, à lui? Car la curieuse cherche depuis longtemps ces «grands monuments littéraires» qui lui transmettront l'essentiel des arts, de l'histoire, de la philosophie des siècles passés.

Ledit professeur passera trois semaines, avec sa conjointe Lise Bissonnette — alors directrice du Devoir —, à tenter d'établir une liste. Peine perdue. Qu'à cela ne tienne, Lise Bissonnette prend les devants pour aider l'étudiante dans sa «quête» et lance un appel à tous dans les pages du Devoir. Intitulé «Tous pour une», l'article paru dans le cahier Arts du 22 mars 1997 invite les lecteurs du journal, ces «parangons de culture», à envoyer leur propre liste d'ouvrages coups de coeur. La tâche est ardue, mais l'appel est entendu.

De simple curiosité, la question de Sophie Panneton s'est muée en une véritable saga épistolaire issue des quatre coins du Québec, trouvant même un écho jusqu'à Philadelphie. «Il y a des perles, des petites notes de rien du tout, sur un papier d'épicerie, écrites par des gens de 85 ans», s'émeut Sophie Panneton, désignant un billet. «"Bien humblement, je voudrais partager mes 60 ans de passion de la lecture [...]", récite-t-elle. Tu reçois ça et ouf!» Ces 130 lettres, cette «manne» comme les appelle Sophie Panneton, étaient son premier contact avec le Devoir.

Des centaines de titres suggérés par les lecteurs — de Proust à Germaine Guèvremont, en passant par les plus classiques Socrate et la Bible —, Sophie Panneton admet n'avoir pas tout lu. Mais dans ses yeux, on voit bien qu'elle compte s'y remettre. D'autant qu'après cette réponse d'envergure, avoue-t-elle, «je n'ai plus eu besoin de poser la question!».

La porte d'entrée


Le destin a voulu que Sophie Panneton recroise le chemin de Lise Bissonnette, cette fois à la collation des grades de sa promotion, en 1998. Le discours de la journaliste, dont elle conserve religieusement une copie envoyée par la dame en personne, l'a bouleversée. Qualifiant les diplômés de «curieux» et «d'intellectuels», il a fait prendre conscience à la jeune femme que Le Devoir, ce «grand journal sérieux», n'était pas destiné qu'à l'élite de la province. «À partir de là, j'ai eu envie d'un journal qui, s'il a des idées, aura des idées qui me ressemblent plus», résume celle qui, timidement, avoue se faire écrivaine en dilettante.

D'abord séduite par la chronique hebdomadaire de Josée Blanchette, l'accro de culture s'est ensuite mise à lire les chroniqueurs et les éditorialistes avec un plaisir manifeste. À un point tel qu'«il n'y a plus d'autre journal possible», tranche-t-elle, ajoutant qu'il est désormais sa «nourriture essentielle».

De ses 130 lettres héritées du Devoir — qu'elle conserverait dans un coffre-fort si ce n'était qu'elle ne veut «pas qu'elles soient enfermées» —, Sophie Panneton a retiré un message profondément humain. «Je suis encore émue et je vais l'être à vie. Que les gens aient pris le temps. Ce n'est pas rien de chercher dans ses souvenirs et de dire: "J'en sors ça".» En cette année du 100e anniversaire du Devoir, s'est-elle dit, «il fallait que j'en parle!»

Celle qu'on appelle au travail la «Patch Adams de l'informatique» — elle fait de la formation dans les services de garde du Québec... en informatique de gestion! — n'a qu'une seule crainte: le feu. «Je pense aux bricolages des enfants, aux photos de bébés et à ça, lance-t-elle, en désignant la pile de lettres. Car elles valent bien plus que tout ce qui est matériel dans ma maison.»

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