Le Devoir, c'est moi - Un catalyseur de relations

Fanny Mallette traverse le parc La Fontaine plusieurs fois par jour, souvent avec Le Devoir sous le bras.
Photo: - Le Devoir Fanny Mallette traverse le parc La Fontaine plusieurs fois par jour, souvent avec Le Devoir sous le bras.

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque lundi, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle d'entre les fidèles qui savent se reconnaître entre eux, comme le raconte bien la comédienne Fanny Mallette.

Gastonne dans la série Grande Ourse, Fanny Mallette se souvient avec une émotion particulière de ce rôle qui lui a valu un prix Gémeaux. Premier contrat obtenu après la naissance de son fils aîné, ce personnage — destiné à un physique imposant alors qu'elle est toute menue — lui a en quelque sorte réappris son métier et aussi à faire confiance à son instinct.

«Je composais pour la première fois avec le manque de temps, raconte-t-elle. D'habitude, je prépare beaucoup mes rôles, mais là, j'ai appris à plonger. On m'a appelée beaucoup à cause de ce rôle. Ç'a été mon bonbon.»

En plus, c'est sur ce plateau qu'elle a noué une amitié avec un autre comédien, Normand Daneau, en particulier par l'entremise du Devoir, qu'ils lisaient tous les deux. «Quand tu rencontres quelqu'un qui a un amour partagé pour ce journal, c'est comme des réjouissances, on a le sentiment d'appartenir à la même petite clique. On est comme des initiés: je comprends ce que l'autre dit parce que je l'ai lu moi aussi.»

Entremetteur, catalyseur de relations autant que de conversations: ainsi peut se résumer le rôle du Devoir dans la vie de Fanny Mallette. Car c'est d'abord entre son conjoint (le comédien Claude Despins) et elle que s'est immiscé le journal. «Il me disait: "tiens, lis ça", et c'est comme ça que j'ai commencé à le lire.»

En retour, le journal, qui traînait souvent à la cafétéria ou à la bibliothèque de l'École nationale de théâtre, a un peu contribué à rapprocher les deux amoureux. «Comme il me parlait de ce qu'il avait lu, je voulais être au courant..., dit-elle un petit sourire aux lèvres. Quand on échangeait sur un sujet d'actualité, nos sources, c'était Le Devoir.»

La curiosité pour ce journal «différent» s'est muée en réel intérêt, puis en abonnement. «À force de le lire, je me suis rendu compte que ce n'est pas parce qu'il était plus mince qu'il avait moins de contenu, et ça m'a plu. Et Le Devoir m'apprenait plus de choses aussi parce qu'il ne me parlait pas nécessairement de mon métier [comme les autres médias]», rapporte celle qui a vite compris l'absence d'intérêt du quotidien pour les comédiens dans les projections de presse, au profit des auteurs et des réalisateurs!

Si bien que quinze ans, trois enfants et plusieurs rôles plus tard, la relation dure encore aujourd'hui — avec l'homme comme avec le journal. La famille a même acquis un quintuplex déniché dans la page «Maisons à vendre», qu'elle dévorait pourtant des yeux comme on nourrit un rêve irréalisable.

De Scoop à Continental, un film sans fusil, en passant par Les Muses orphelines, Grande Ourse et Gaz Bar Blues, Fanny Mallette choisit méticuleusement ses rôles, passant du cinéma d'auteur aux séries télé de qualité avec naturel.

«Dès que je lis un scénario, il faut que j'aie une vision plus approfondie de mon rôle», confie celle qui a un faible pour le cinéma d'Alain Resnais. «Le cinéma, le théâtre, c'est moins facile d'accès [que la télévision] alors on n'en parlera jamais assez.»

Cette rigueur professionnelle et intellectuelle se traduit aussi dans ses sources d'information: la radio, allumée presque tout le temps l'emporte haut la main sur la télévision. Et Le Devoir lui permet d'allier sa soif de savoir à sa double occupation de mère et de comédienne aux horaires serrés, tout en restant à l'abri des dérapages du sensationnalisme.

«Je ne laisserais pas traîner d'autres journaux chez nous, dit-elle. J'ai beaucoup aimé la couverture du 11 septembre 2001, qui m'a particulièrement troublée parce que j'étais enceinte. Il y a une certaine réserve, une pudeur dans la couverture de tels événements au Devoir... J'ai l'impression de savoir vraiment ce qui s'est passé, sans lire 25 pages sur le sujet.»

Une relation qui risque de perdurer et même d'enjamber le fossé des générations puisque, déjà, elle surprend parfois son fils de huit ans, Joseph, assis dans la chaise berçante, le journal sous le nez, absorbé dans un article techno, fasciné par une photo, ou à l'affût des résultats de matchs de la veille...

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