Le Devoir, c'est... nous!

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque lundi, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle d'entre les fidèles. Et aujourd'hui, c'est même à trois voix qu'ils discutent du Devoir.
Alain Grégoire, que l'on connaît surtout comme directeur de la Maison Théâtre, lit Le Devoir depuis déjà une bonne quarantaine d'années, depuis l'époque du collège, en fait. C'est une habitude qui l'a formé, comme il dit: pour lui, Le Devoir est un journal de combats, un lieu d'échanges et de transmission.Un lieu d'échanges surtout à cause des débats d'idées lancés dans nos pages et qui ont toujours fait partie de sa vie, qu'ils se conjuguent à la dimension des débats politiques qui agitent la société québécoise dans son ensemble ou encore à l'importance et à la présence des artistes qui jouent un rôle primordial dans la culture qui fait de nous ce que nous sommes.
Alain Grégoire est un homme fier de confirmer chaque année davantage la position unique de la maison qu'il dirige et qui est, on ne le dit jamais trop, le plus important centre de diffusion de théâtre pour jeunes publics de ce côté-ci de l'Atlantique. Mais il est aussi particulièrement fier d'avoir transmis à ses deux filles Simiane et Mathilde sa passion du débat d'idées... et l'habitude de lire Le Devoir tous les jours.
L'importance du débat
Abonnées toutes les deux au Devoir, elles tenaient à être là avec leur père, les deux filles, pour discuter, dans la grande salle vitrée de la Maison Théâtre donnant sur la rue Ontario et les habitations Jeanne-Mance, de l'importance que joue le journal dans leur vie.
Étudiante en droit, 22 ans, Mathilde parle d'abord de la profondeur de l'information qu'elle cherche dans un quotidien, même si on semble plutôt se contenter aujourd'hui de la réalité de surface et de l'information prédigérée. Elle aime bien les débats qui s'étirent et qui s'enrichissent du fait qu'ils s'étendent sur une longue période.
Simiane, 29 ans et mère de deux enfants, enseigne aujourd'hui. Spécialiste de l'environnement, elle rappelle l'abondance et la profondeur des débats qui ont entouré dans nos pages le refus de l'administration Bush de signer le protocole de Kyoto. «La couverture du Devoir là-dessus a été absolument remaquable; la diversité des points de vue, même si on n'est pas d'accord avec tout, permet d'aller plus loin, de se faire une opinion critique étayée par toutes les nuances apportées.»
Mathilde revient en soulignant les discussions qu'a suscitées chez elle et à l'université la prorogation du Parlement par le gouvernement de Stephen Harper... et tout le monde, le père et les deux filles, de citer des exemples comme le débat sur le port de la burqa ou, dans un tout ordre d'idées, l'importance de la langue ou le choix de couvrir aussi largement la culture. Sans se forcer vraiment, on les imagine facilement tous les trois en train de discuter de l'actualité quotidienne en sirotant leur verre de jus autour de la table du petit déjeuner.
Un dazibao
Dans l'échange, c'est Alain Grégoire qui prononce le mot «dazibao». «Quand on lit Le Devoir, on a souvent l'impression d'être au coeur des débats, de voir un dazibao qui s'écrit tous les jours devant nous. Les échanges d'idées et de points de vue sont la plupart du temps très riches, très diversifiés. On a vraiment l'occasion de faire le tour d'une question. En plus des journalistes qui exposent clairement l'importance des enjeux et qui les situent dans leur contexte, on laisse beaucoup de place aux spécialistes et aux lecteurs en général. Ça permet au lecteur de vraiment se faire une tête sur un sujet donné.»
Là-dessus, Simiane donne l'exemple des «climato-sceptiques», dont elle ne partage surtout pas les opinions et qui s'expriment aussi dans Le Devoir: «Malgré ce que je peux penser, leur présence est pertinente, tout comme celle de tous ceux qui alimentent le débat.» Son père renchérit en ajoutant que le fait de donner tous les points de vue est d'ailleurs la meilleure façon d'éviter la «malhonnêteté intellectuelle». C'est en ce sens que, selon lui, Le Devoir est une sorte de «rempart contre la bêtise, contre l'ignorance et l'approximatif: c'est un outil d'autodéfense intellectuelle, pour emprunter l'expression à Normand Baillargeon».
Papier ou Internet?
Alain Grégoire est passé à l'édition Internet du Devoir il y a quelques années... mais il a conservé son abonnement à la version papier du journal les week-ends. Il explique son passage à la version électronique par le fait qu'il n'avait pas le temps de tout lire tous les jours et qu'il est plus facile et moins encombrant d'aller consulter des archives en ligne que d'accumuler des exemplaires non lus du journal papier. N'empêche qu'il prévoit revenir bientôt, pour le plaisir, à l'édition papier en se promettant de ne plus accumuler, quitte à ne pas tout lire chaque jour.
Simiane raconte pour sa part qu'elle est revenue au Devoir papier mais que lors de ses études à l'étranger, elle continuait à suivre en ligne ce qui se passait ici. Mathilde confirme être elle aussi «papier»... ce qui est étonnant, non, pour des jeunes femmes de leur génération?
«Ce sont plutôt mes étudiants qui sont très Internet et tout ça, répond Simiane. Moi, j'avoue que je passe déjà beaucoup de temps à l'ordinateur et que je suis contente de sortir de l'écran. Mais c'est probablement ce que feront mes enfants plus tard...»
«Chez nous, on est papier, poursuit Mathilde, parce que nous sommes trois colocs et qu'ainsi tout le monde peut lire le journal à différents moments de la journée. Et puis il y a le plaisir de lire son journal le matin en déjeunant ou le midi toute seule, tranquille...»
C'est Alain Grégoire qui aura le mot de la fin en parlant de l'espèce de solidarité qui semble unir les lecteurs du Devoir. «On est ami du Devoir autant que lecteur. Parce que c'est un peu nous, parce que depuis sa fondation ce journal a mené des combats importants et qu'il continue à en mener même s'il n'a pas les moyens des grandes entreprises de presse que l'on connaît. Le Devoir continue à dénoncer l'injustice comme le souhaitait Henri Bourassa. Il continue à prendre la parole et à prendre parti dans les dossiers qui sont importants pour la survie de la langue et de la culture d'ici. Je me sens des affinités avec ça, moi...»