Le Devoir, c'est moi - Le souvenir précieux de l'odeur de l'encre

Enfant, Jean-Pierre Noiseux donnait parfois un coup de main à son père, qui travaillait au service du tirage du Devoir. Il se souvient encore de l’odeur de l’encre et du métal chaud de la salle de l’adressographe, où étaient imprimées «les étiquettes à coller sur les journaux envoyés par la poste aux abonnés». Aujourd’hui, il cultive une passion pour la musique liturgique.
Photo: - Le Devoir Enfant, Jean-Pierre Noiseux donnait parfois un coup de main à son père, qui travaillait au service du tirage du Devoir. Il se souvient encore de l’odeur de l’encre et du métal chaud de la salle de l’adressographe, où étaient imprimées «les étiquettes à coller sur les journaux envoyés par la poste aux abonnés». Aujourd’hui, il cultive une passion pour la musique liturgique.

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque lundi, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle d'entre les fidèles. En voici un qui a connu Le Devoir dès la tendre enfance.

On dit souvent que les souvenirs d'enfance sont aussi forts qu'impérissables. Des vacances en famille marquantes, un cadeau de fête particulièrement désiré, un Noël exceptionnel... Mais il est pour le moins rarissime que certaines des grandes joies des années de jeunesse soient associées à un quotidien. C'est pourtant le cas de Jean-Pierre Noiseux, qui a pratiquement «travaillé» pour Le Devoir, lorsqu'il était enfant, et s'en souvient comme d'une période de «fête». Rien de moins.

Son père, Maurice Noiseux, a travaillé au service du tirage durant plus de 25 ans, essentiellement à l'époque où le quotidien de la rue Bleury était encore celui de la rue Notre-Dame.

«Durant de nombreuses années, mon père a eu pour tâche de faire de la "collection", c'est-à-dire de faire le tour des dépositaires du journal dans une grande partie de l'île de Montréal, de collecter l'argent des ventes et de reprendre les exemplaires invendus du journal. L'été, lorsque j'étais enfant, entre l'âge de 7 et 12 ans environ, il m'amenait parfois faire ses routes les plus courtes», se souvient-il.

Une fois la tournée complétée, le père et le fils venaient décharger une pleine valise de voiture de journaux sur une plate-forme de chargement située dans la cour intérieure du vieil immeuble. Son père passait ensuite au tirage pour faire ses comptes.

Coup de main

«Pendant qu'il fermait ses livres et discutait avec le chef du tirage, je passais le plus clair de mon temps à l'adressographe, une salle où l'on imprimait les étiquettes à coller sur les journaux envoyés par la poste aux abonnés. Là, une toute petite femme du nom de Kim Côté, très énergique et souriante, une "vieille fille", comme on disait à l'époque, tapait les adresses des nouveaux abonnés sur de petites plaques de métal qui étaient rangées dans de longs et étroits tiroirs de métal, lesquels étaient ensuite installés tour à tour et quotidiennement sur une grosse machine qui imprimait les adresses.»

Chose impensable aujourd'hui, Mme Côté le laissait insérer les tiroirs dans la machine et ranger ceux qui avaient déjà été utilisés dans les classeurs. «Je sens encore l'odeur de l'encre et celle du métal chaud qui emplissaient non seulement cette salle, mais aussi tous les locaux du Devoir. Je vois encore les doigts tachés d'encre de Kim Côté et j'entends encore le vacarme des machines. Je n'étais pas peu fier de mettre la main à la pâte et de participer un peu à la fabrication du "meilleur de tous les journaux", comme me l'avait appris mon père.»

Fier, mais aussi heureux d'avoir pu rencontrer le rédacteur en chef de l'époque, André Laurendeau. «Une fois, mon père m'a amené le voir dans son bureau. J'étais pas mal impressionné de serrer la main de cet important monsieur qui animait de surcroît une émission de télévision intitulée Pays et merveilles.»

Sacré

Son petit-cousin, Donat C. Noiseux, a également oeuvré au sein de l'équipe du Devoir à titre de chroniqueur agricole à la fin des années 1920, avant de devenir directeur du Bulletin des agriculteurs. Bref, ce quotidien centenaire a toujours fait partie du paysage familial.

Lui-même y est demeuré attaché, en plus de cultiver une passion pour la musique liturgique. Il croit d'ailleurs fermement à la possibilité d'intéresser davantage de gens à cet art relativement méconnu du grand public. C'est en partie pour cela qu'il coorganise chaque année les Journées grégoriennes, à l'église Saint-Viateur-d'Outremont. Il y prend lui-même part à titre de directeur de la Schola Saint Grégoire, un ensemble qui se consacre à l'interprétation non seulement du chant grégorien, mais aussi des répertoires liturgiques qui lui sont apparentés (chants milanais, bénéventain et vieil-hispanique, drames liturgiques, plain-chant, etc.).

Jean-Pierre Noiseux, qui a longtemps joué de la flûte à bec dans diverses formations, poursuit en même temps des recherches sur la restauration du chant grégorien au XIXe siècle.

Mais s'il se passionne depuis des années pour la musique sacrée, Le Devoir n'en a pas moins conservé une part non négligeable à ses yeux. Une parcelle de mythe à préserver et à perpétuer.

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