Le Devoir, c'est moi - Les cent printemps d'une lectrice émérite

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque lundi, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle d'entre les fidèles. Et à cet égard, notre lectrice de cette semaine est vraiment dans une catégorie à part!
La semaine dernière, Hélène Giguère Larochelle a soufflé autant de bougies que son journal favori. Cent printemps, un chiffre bien rond qui ne l'impressionne guère. «Mais je suis contente de voir que je reste, à cet âge-là, assez bien.»La délicate dame aux cheveux d'un blanc éclatant profite toujours des petits plaisirs de la vie, comme «faire un tour de machine» en famille ou lire tranquillement Le Devoir. Dans sa chambre avec vue panoramique sur la métropole s'empilent d'ailleurs des dizaines d'exemplaires du journal aussi jeune qu'elle. «Il ne faut pas essayer de les jeter; c'est bien précieux pour elle», explique en riant sa fille Madeleine.
Hélène est récemment arrivée au CHSLD Saint-Georges, rue Saint-Urbain. Ses enfants racontent que faire suivre son abonnement au Devoir a amorti le choc du déménagement pour la femme qui habitait une résidence pour personnes autonomes jusqu'à l'automne dernier. «C'est un ancrage pour elle, sa routine peut continuer», explique sa fille.
Bien calée dans sa chaise berçante tout en coussin, la jolie grand-mère lit son quotidien autant le matin, lorsqu'une préposée vient le lui remettre, que l'après-midi ou le soir. «Je le lis quand ça adonne. Le soir, quand on est seul, c'est plaisant de l'avoir», raconte-t-elle de sa voix douce qui s'éteint presque à la fin de ses phrases.
Une histoire de famille
Sur le mur, tout à côté de son lit, une immense photo noir et blanc d'elle et de son défunt époux assis dans une charrette nous transporte dans un autre temps. Madame Giguère Larochelle raconte que son père, propriétaire d'un moulin et commerçant de Saint-Aurélie, en Beauce, lisait Le Devoir, alors qu'elle n'était qu'une petite fille, parmi une fratrie de 18 enfants. Son mari, pendant un temps propriétaire de l'épicerie du village, avait également une passion pour les journaux, qu'il a partagée avec sa douce. Impossible toutefois de savoir depuis combien d'années elle est abonnée au quotidien. «Ça fait trop longtemps!»
Si Le Devoir fait aujourd'hui partie de son petit rituel, Hélène Giguère Larochelle est une femme de passion qui semble ne s'être jamais contentée de la routine. Elle a été tour à tour enseignante dans une école de rang, responsable de la comptabilité, chapelière et militante.
Lorsque son mari et elle ont quitté la Beauce pour Montréal, dans le but d'offrir un meilleur avenir à leur progéniture, elle s'est impliquée dans le comité de citoyens qui a été à l'origine de la Clinique Saint-Jacques, l'une des premières à offrir des services de santé gratuits au Québec. «C'est qu'on avait beaucoup d'enfants et il fallait les soigner», précise celle qui en a eu dix et qui les a élevés modestement aux Habitations Jeanne-Mance.
Hélène Giguère Larochelle affirme ne pas pouvoir dire ce qu'elle aime du Devoir: «J'aime tout», assure-t-elle. Ses journalistes préférés sont les chroniqueurs Michel David et Lise Payette, bien qu'elle lise tout ce que son journal lui offre, «même les pages économiques». «Je lis les titres et le début; je ne vous dis pas que je lis tout. Je n'ai pas le temps!», conclut la nouvelle centenaire.