Reporters sans frontières dénonce la Tribune de la presse de Québec
Le secrétaire général de l'organisme Reporters sans frontières (RSF), basé à Paris, a écrit au président de l'Assemblée nationale pour dénoncer le «refus d'accréditation» de deux journalistes du Journal de Québec, propriété de Quebecor. RSF défend les journalistes et la liberté de presse partout dans le monde depuis près de 25 ans.
«Cet épisode, de nature discriminatoire, constitue un mauvais signal pour la liberté de la presse et l'accès à l'information publique dans un pays pourtant exemplaire en la matière. C'est pourquoi nous comprenons d'autant moins la mesure excluant les deux journalistes de votre Assemblée, lieu de débats démocratiques», écrit le Français Jean-François Julliard, secrétaire général de RSF, dans une lettre datée du 30 novembre, dont Le Devoir a obtenu copie.La missive adressée à Yvon Vallières, président l'Assemblée nationale du Québec, demande aussi: «En quoi un conflit du travail empêche-t-il des journalistes, a fortiori s'il ne concerne pas directement ces derniers, d'exercer leur profession et d'avoir accès à une institution publique?»
En assemblée générale, fin septembre, les membres de la Tribune ont modifié les règlements de leur organisme pour pouvoir reporter l'étude des accréditations d'un média lié à un conglomérat aux prises avec un conflit de travail. C'est le cas au Journal de Montréal, également propriété de Quebecor. Les accréditations du Journal de Québec sont gelées depuis.
Le président de l'Assemblée nationale s'est officiellement rangé du côté des journalistes. Il invoque notamment la nécessité de préserver la bonne entente et l'ordre au sein de la Tribune.
Le porte-parole de cette institution journalistique se dit «choqué» par l'intervention du secrétaire général de RSF. «Jean-François Julliard n'a jamais pris contact avec nous pour connaître notre point de vue, dit Pierre Duchesne, reporter de Radio-Canada et président de la Tribune. C'est inacceptable.» Une copie de la lettre de blâme lui est parvenue hier.
Il rappelle que les quelque 60 membres de la Tribune, travaillant pour 17 entreprises de presse, dont Quebecor, ont pris ensemble la décision de reporter l'étude des accréditations précisément, selon eux, pour ne pas se mêler du conflit de travail. «Nous avons été obligés de tenir un premier vote secret en plus d'un siècle d'existence pour éviter la pression sur nos membres, dit encore M. Duchesne. RSF est vraiment très mal informé et sa position jette du discrédit sur sa réputation.»
Quebecor se réjouit au contraire de la position de RSF. D'autant plus que l'entreprise a elle-même demandé à l'organisme international de se prononcer.
«On est plus habitués de voir Reporters sans frontières intervenir au Honduras ou ailleurs dans le monde, dit Isabelle Dessureault, vice-présidente aux affaires publiques de Quebecor. Que RSF se sente obligé d'intervenir au Québec, c'est préoccupant.»