Il n'est pas tellement surprenant que L'Homme des vallées perdues (Shane, 1953) ait reçu une pluie de nominations aux Oscars... pour n'en récolter qu'un seul, mérité, celui de la meilleure photographie à Loyal Griggs. Face à la télévision, sa nouvelle rivale, le cinéma hollywoodien se voulait plus grandiose et plus séduisant que jamais. George Stevens, en bon académicien ayant signé quelques années auparavant ce qui allait devenir son chef-d'oeuvre (A Place in the Sun) et plus tard un des trois films mythiques d'une star immortelle (Giant, avec James Dean), a parfaitement rempli la commande.

Dans une vision romantique conforme à celle entretenue dans tant d'autres westerns, la colonisation de l'Ouest américain apparaît comme un combat, à armes inégales, entre des esprits vertueux et des brutes sans foi ni loi. Vous devinez sans mal lequel des deux clans triomphera... tout cela bien sûr grâce à un homme dont on suppose le passé meurtrier mais dont on ignore le destin incertain.

Cet homme se nomme Shane (Alan Ladd, plus poseur que mystérieux). Celui-ci débarque dans une famille de colons, terrorisée comme tant d'autres dans cette région du Wyoming par les frères Ryker, qui veulent accaparer toutes les terres pour leur bétail. Shane n'a pas l'âme d'un agriculteur, mais il souhaiterait ranger ses armes. Les Starrett l'adoptent rapidement, Joe voyant en lui un allié précieux tandis que Joey, son fils, le considère comme un héros. La mère, Marian (Jean Arthur), le voit quant à elle comme un beau ténébreux auquel il faut éviter de s'attacher par crainte de souffrir une fois qu'il aura pris le large.

Cette tension érotique est à peine suggérée par George Stevens, qui préfère célébrer des valeurs plus conservatrices dans une enveloppe particulièrement léchée. Le film est plus près de la caricature que de la vérité mais, s'il fallait se fier uniquement aux westerns pour connaître l'histoire des États-Unis...

Cinéma / L'Homme des vallées perdues - Historia, 22h