Médias - The Gazette et le « journalisme citoyen »
Depuis un mois, The Gazette mène une expérience unique: un site Internet de «journalisme citoyen», axé sur l'information très locale, dédié aux lecteurs de l'ouest de l'île de Montréal.
Unique? «Nous nous sommes inspirés de certains sites américains, par exemple à Chicago ou à Denver, explique Andrew Phillips, rédacteur en chef de The Gazette. Au Canada, je crois que nous sommes les premiers. En tout cas, dans le groupe CanWest, nous sommes les premiers, et les autres journaux du groupe surveillent avec attention notre expérience.»The Gazette offrait déjà depuis plusieurs années un cahier local aux lecteurs du «West Island», cahier hebdomadaire inséré dans le journal du jeudi livré dans le secteur. Mais au début d'avril, The Gazette a ouvert le site Internet westislandgazette.com, qui pousse encore plus loin le concept d'information locale.
Le site propose en page d'accueil des photos et des textes d'information sur l'ensemble de la région, et une carte interactive permet de cliquer sur la municipalité de son choix. Par exemple, si on clique sur Pierrefonds, Pointe-Claire, Saint-Laurent ou Hudson, la page d'accueil devient celle de la municipalité en question.
Les responsables de The Gazette ont contacté des agents sociaux locaux, que ce soit les chambres de commerce ou les groupes communautaires, pour les inviter à participer au site. Car le site veut être alimenté par le contenu des usagers eux-mêmes. «Nous avons ouvert la porte aux gens, mais ça prend un certain temps pour les convaincre», explique Andrew Phillips.
L'apport des citoyens
Les citoyens de l'ouest de l'île qui veulent envoyer du matériel, que ce soit des textes d'information, des photos ou des annonces communautaires, doivent d'abord s'inscrire pour devenir membres. Après un mois d'expérience, le site compte 710 membres enregistrés et il a connu 10 522 visites uniques dans le mois.
The Gazette comptait déjà trois journalistes qui couvrent l'ouest de l'île à plein temps. Le site Internet reprend le contenu du cahier hebdomadaire imprimé, avec des exclusivités et les ajouts des usagers. Andrew Phillips est satisfait de l'expérience, mais c'est une expérience qui en est encore à ses balbutiements: pour le moment, de 75 à 80 % du contenu du site est fourni par les journalistes de The Gazette; le reste l'est par les citoyens eux-mêmes.
Le site comporte quelques sections thématiques. Les Nouvelles, puis une section Sport-Écoles, qui propose, par exemple, des informations sur les équipes locales de football étudiant. Ensuite une section Lifestyle, où l'on retrouve beaucoup de conseils de jardinage ces temps-ci! Également une section Community, où plusieurs organismes sont à la recherche de bénévoles. Et enfin Marketplace, une section d'annonceurs en tous genres, de l'immobilier aux offres d'emploi en passant par les ventes-débarras et les objets perdus.
On constate que, pour le moment, les textes qui s'apparentent le plus à l'information classique, par exemple les fermetures d'usine ou les débats municipaux, sont signés par les journalistes de The Gazette. Mais Andrew Phillips croit fermement dans l'apport des citoyens. «C'est très difficile de couvrir tous les événements locaux, explique-t-il. Par exemple, nous n'avons pas assez de journalistes pour assister systématiquement à tous les conseils de ville de toutes les municipalités.»
En faisant appel aux citoyens, est-ce qu'on comble ainsi les problèmes financiers des journaux? Il est certain que The Gazette, comme tous les journaux en Amérique du Nord, n'est pas dans une période d'expansion. Son lectorat anglophone est en décroissance et, l'automne dernier, The Gazette mettait en place un programme de départs volontaires pour tenter de réduire son budget d'un million de dollars. À l'époque, Andrew Phillips avait lui-même indiqué au Devoir que le journal prévoyait, en 2007, une baisse des revenus publicitaires de six millions.
En même temps, la tendance à l'information locale est de plus en plus lourde chez plusieurs éditeurs nord-américains, qui tentent de se rapprocher au maximum des intérêts immédiats, et très locaux, de leurs lecteurs, en les invitant à fournir eux-mêmes du contenu qui leur ressemble. «Il faut rejoindre les gens où ils sont», fait remarquer Andrew Phillips.
Plutôt que de parler de journalisme citoyen, il faudrait peut-être plutôt parler de contenu «micro-local», un terme qui est de plus en plus utilisé pour décrire ce type de concept.