Convergence des salles de rédaction - Les journalistes du Journal de Montréal porteront plainte

Les journalistes du Journal de Montréal entendent déposer auprès du CRTC, la semaine prochaine, une plainte formelle selon laquelle Quebecor ne respecte pas l'étanchéité des différentes salles de rédaction des médias du groupe.

«On constate la présence grandissante des journalistes de TVA dans nos pages, explique Chantal Léveillée, présidente du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal. C'est la première fois qu'on voit s'ouvrir un tel canal de communication entre TVA et les journaux de Quebecor.» Le principe d'une telle plainte a été adopté à l'unanimité lors d'une récente assemblée générale des journalistes du quotidien, ajoute-t-elle.

La question de l'étanchéité des salles de nouvelles chez Quebecor soulève plusieurs interrogations ces jours-ci, alors que, dans un mémoire déposé récemment au CRTC, le groupe Quebecor déclare que «toute règle interdisant la communication entre salles de nouvelles de différents médias est devenue obsolète et anachronique».

Ce mémoire a été rédigé en prévision des audiences que le CRTC doit tenir le 27 novembre prochain sur l'avenir de la télévision conventionnelle.

Malgré les déclarations figurant dans ce mémoire, Quebecor affirme ne pas avoir l'intention de demander formellement au CRTC, lors de ces audiences, d'abolir les règles exigeant la séparation des salles de nouvelles.

Dans une lettre publiée ce matin dans Le Devoir, le président de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, indique que «nous avons soulevé la question de l'étanchéité de la salle de rédaction de TVA, imposée par le CRTC au moment de l'achat de TVA par Quebecor Media, mais nous n'avons pas demandé qu'elle soit levée».

À propos de l'étanchéité des salles de nouvelles et de l'audience de novembre, il est pourtant précisé dans le mémoire de Quebecor que «nous demandons au Conseil d'énoncer dans sa prochaine politique que les interdictions existantes pourront être revues au gré des parties intéressées».

Hier, le vice-président de Quebecor, Luc Lavoie, a soutenu au Devoir que «nous n'en faisons pas une demande et nous respectons les règles actuelles jusqu'en 2008 [alors que la licence de TVA vient à échéance]».

Au Journal de Montréal, toutefois, l'inquiétude semble assez forte pour justifier le dépôt d'une plainte au CRTC dans les prochains jours, une décision qui avait été prise avant la lecture du mémoire de Quebecor.

Pour démontrer que les salles de rédaction sont devenues poreuses, Chantal Léveillée, la représentante des journalistes du Journal de Montréal, évoque la présence récente du journaliste de TVA Dominic Arpin dans les pages des quotidiens de Quebecor. Elle mentionne aussi le fait que, au lieu d'envoyer un journaliste du journal couvrir la crise survenue l'été dernier au Liban, les deux quotidiens ont plutôt publié un compte-rendu quotidien du journaliste de TVA Michel Jean. Elle évoque aussi la publication de l'enquête conjointe TVA/Journal de Montréal/Canoe sur l'état des piscines publiques à Montréal. Selon le syndicat, les deux salles de nouvelles ont ainsi recueilli et traité la même information provenant d'une étude commandée, ce qui réduit la diversité de l'information.

De plus, ajoute-t-elle, «nous sommes toujours en attente de la création d'un site Internet propre au Journal de Montréal. Mais on nous demande d'ajouter de plus en plus notre matériel sur le site général Canoe de Quebecor, qui regroupe aussi TVA».

Le Syndicat des employés de TVA a également fait part de son inquiétude hier, insistant sur «le risque énorme d'uniformisation des nouvelles et de standardisation».

Michel Bibeau, du Syndicat canadien de la fonction publique qui regroupe les employés de TVA, reconnaît qu'aucun journaliste des quotidiens de Quebecor n'intervient en information dans les nouvelles de TVA. Mais «l'enquête de cet été sur les piscines publiques nous fatigue, ajoute-t-il. C'est la première fois qu'on voyait une telle chose. On risque de perdre notre crédibilité, et de donner au public l'impression que tous les médias sont les porte-paroles d'une seule entreprise».

Lors de l'achat de TVA par Quebecor, un Code de conduite avait été adopté par les parties en présence, à la demande du CRTC, pour établir l'étanchéité et l'indépendance éditoriale des entreprises du même groupe. Ce code précise, entre autres, que «TVA, LCN et LCN Affaires reconnaissent qu'ils se doivent d'être indépendants des salles de nouvelles et des professionnels de l'information des journaux de Quebecor Media tout au long des étapes menant à la cueillette de l'information et à sa diffusion au public».

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