À voir à la télé le mardi 15 octobre - Trouble-fête
À l'image d'une France en reconstruction pour effacer les blessures de la guerre et se moderniser, le cinéma de Jacques Tati se fera de moins en moins bucolique et champêtre, la transition s'effectuant en 1958 avec Mon oncle. Après le petit village de Jour de fête et la modeste station balnéaire des Vacances de M. Hulot, Tati débarque à Paris, mais un Paris coupé en deux, ouvrier et chaleureux d'un côté, aseptisé, inconfortable et typiquement classe moyenne de l'autre.
Une fois de plus, ce cher Hulot devient trouble-fête sans vraiment s'en rendre compte, se désolant de voir sa soeur (Adrienne Servantie) et son mari (Jean-Pierre Zola) évoluer dans cet univers de plastique, au point de vouloir offrir à son neveu Gérald (Alain Becourt) la vision d'un autre Paris. Cet oncle sympathique et excentrique, vivant dans un quartier populaire, arrive d'ailleurs mal à s'intégrer à ce modernisme de façade, accumulant les bourdes et les faux pas.La dichotomie qui s'opère dans Mon oncle pourra apparaître tranchante et datée; elle s'estompera dans les oeuvres subséquentes de Tati. Le rouleau compresseur du progrès a tout rasé sur son passage, comme en témoignent Playtime et Trafic. Cette comédie oscarisée (meilleur film étranger), toujours en porte-à-faux entre deux mondes, multiplie les gags mais sans jamais les inscrire dans une intrigue fortement structurée. Comme à l'habitude chez Tati, les dialogues se perdent dans l'image ou se télescopent, les scènes sont souvent filmées en plan d'ensemble, devenant parfois des tableaux fourmillant de détails qui nous obligent à une scrupuleuse attention.
Mon oncle annonce aussi une certaine lourdeur esthétique dans le cinéma de Tati, sa charge contre le modernisme architectural se retournant contre lui, obsession de plus en plus coûteuse et de moins en moins comprise par le public de l'époque. Mais envers et contre tous, Hulot ne change pas: c'est un drame pour lui et une joie pour nous.
Mon oncle
Artv, 20h