TVA forcé de corriger le tir pour deux scènes violentes dans Indéfendable

Selon le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, TVA a enfreint le Code concernant la violence de l’Association canadienne des radiodiffuseurs.
Olivier Zuida Le Devoir Selon le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, TVA a enfreint le Code concernant la violence de l’Association canadienne des radiodiffuseurs.

Représenter un suicide dans une oeuvre de fiction demeure un exercice particulièrement délicat. Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR) vient de donner en partie raison à une femme qui se plaignait de la manière trop explicite dont ce sujet sensible a été abordé à deux reprises dans la série Indéfendable. La chaîne TVA n’a pas été assez stricte en accordant la simple classification « 8 ans et plus » à ces deux épisodes, a statué l’organisme.

Le CCNR a conclu que TVA a enfreint le Code concernant la violence de l’Association canadienne des radiodiffuseurs. Les épisodes d’Indéfendable diffusés les 28 novembre et 28 février derniers auraient dû porter la mention « 13 ans et plus » à cause des scènes de violence, notamment de suicide, qu’ils renferment.

« La définition de la classification 13 + s’applique à un certain type de contenu, dont le suicide, qui démontre clairement le sens des actions des personnages, ce qui est certainement le cas avec les émissions en cause. De plus, ce contenu exige une certaine maturité qui, de l’avis du comité, dépasse la classification donnée par le télédiffuseur, soit 8 + », peut-on lire dans une décision du CCNR rendue la semaine dernière.

Scènes difficiles

Dans le premier segment sur lequel s’est penché le Conseil, la comédienne Marie Charlebois interprète Elena, une femme victime de violence conjugale qui décide de mettre fin à ses jours lorsqu’elle apprend que la Couronne fera appel de son verdict de non-culpabilité pour le meurtre de son mari. Quand Me Léo Macdonald (Sébastien Delorme) retrouve sa cliente chez elle, on voit d’abord les pieds de cette dernière pendre dans l’escalier. Puis, la caméra se déplace le long de son corps pour s’arrêter sur son visage. On la voit alors, les yeux fermés, étranglée par un fil électrique attaché à la balustrade.

L’épisode intitulé Sugar Daddy, diffusé trois mois plus tard, contient lui aussi une scène assez violente. On y retrouve Alain Royer (Antoine Mongrain), un personnage soupçonné d’être impliqué dans un meurtre, qui menace sa conjointe avec une carabine dans leur chambre à coucher. Sous les effets de la cocaïne, il descend ensuite au salon pour se poser sur le sofa et place l’arme sur la table devant lui, la bouche du canon face à sa poitrine. S’ensuit un gros plan de son visage nerveux, avant que le coup de fusil retentisse.

C’est la même téléspectatrice qui a porté plainte à la suite de la diffusion de ces deux épisodes. Elle reprochait à la série de ne pas appliquer les « bonnes pratiques médiatiques pour aborder la problématique du suicide ». Elle enjoint les créateurs de l’émission à se référer au guide établi par l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) à l’usage des médias. Celui-ci conseille entre autres de donner le moins de détails possible sur le geste lorsqu’il est question de suicide, de manière à ne pas inciter des téléspectateurs à commettre l’irréparable.

À heure de grande écoute

La plaignante, qui n’est pas identifiée dans le jugement, a aussi suggéré que l’heure de diffusion d’Indéfendable, 19 h, pose problème. « Je ne remets pas en question que le personnage se suicide. Je déplore que le suicide soit démontré de façon explicite, et ce, à heure de grande écoute », évoquait-elle.

Si le CCNR a reconnu que la classification « 8 ans et plus » des deux épisodes n’était pas appropriée, le Conseil n’a pas formulé d’avis sur l’heure de diffusion. L’organisme a également refusé de forcer les créateurs à s’en remettre au guide des bonnes pratiques de l’AQPS. Le CCNR dit vouloir éviter de « brimer la créativité des producteurs ».

TVA maintenait pour sa part que les deux scènes de suicide étaient justifiées et ne contrevenaient en rien aux normes de la radiodiffusion. Rappelons qu’un avertissement précédait ces deux épisodes d’Indéfendable pour prévenir les téléspectateurs que certaines scènes violentes pourraient déranger. L’épisode diffusé le 28 février était accompagné en plus, à la toute fin, d’un message avec les coordonnées d’organismes venant en aide aux personnes en détresse. La diffusion de ce panneau a toutefois été omise à la fin de l’épisode du 29 novembre en raison d’une « erreur humaine », assume TVA.

À la suite de la décision du CCNR, la chaîne a dû glisser dans sa case horaire de 19 h cette semaine un avis indiquant qu’elle a dérogé au Code concernant la violence de l’Association canadienne des radiodiffuseurs.

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